En 1987, j’étais journaliste au Canard enchaîné, j’avais 37 ans et j’en faisais 25. Un jour de printemps, mon rédacteur en chef, Claude Angeli, m’a demandé de prendre rendez-vous avec X, ex-ministre, redevenue députée-maire. Elle avait, croyait-il, des choses à dire sur son adversaire local qui s’affairait à lancer un parc d’attractions, auquel si mes souvenirs sont bons elle ne croyait pas.
J’ai vu X dans son bureau de l’Assemblée nationale. Une femme qui a du chien, à la télé comme en vrai. Nous avons parlé très courtoisement d’affaires locales sans intérêt, et je suis rentré en me demandant avec quoi j’allais bien pouvoir faire un papier.
Dans l’après-midi du même jour, la secrétaire d’X me rappelle. « Mme X a oublié de vous dire certaines choses sur le projet de parc d’attractions. Elle est obligée de rentrer dans sa commune, mais vous pourrez la rencontrer à son retour, à son domicile parisien, dimanche vers 12 heures. »[access capability= »lire_inedits »] Un peu surpris, j’ai dit oui, noté l’adresse dans le XVIe arrondissement, et j’ai raccroché.
Le dimanche arrive. En pestant, je mets une chemise, une cravate, un veston et je me garde d’oublier mon calepin et mon stylo. Après un long trajet en métro, je sonne à une magnifique double porte en chêne d’un appartement très classe d’un bel immeuble bourgeois du XVIe. X ouvre la porte elle-même. À ma grande surprise, elle est en robe de chambre. Elle a toujours du chien et il me semble qu’elle tient une cigarette à la main. Mais ma mémoire me trahit peut-être sur ce détail. Je suis surpris de sa tenue, mais le vêtement est décent et ne trahit pas le plus petit morceau de chair. Je ne montre rien de ma surprise. Pas d’équivoque, surtout. Nous nous asseyons dans le salon, elle est souriante, détendue, mais aussi un peu distante. À moins que la distance, ce ne soit la mienne. Je ne crois pas qu’elle m’ait proposé un café. Je me sens en fait comme un domestique que sa patronne a convoqué.
Je sors mon calepin. Je pose une ou deux questions, auxquelles elle répond évasivement. Je ne comprends pas ce que je fais là. Je me sens dépité. Au bout de dix minutes, je décide que je me suis dérangé pour rien. Je me lève pour partir. Elle me raccompagne, la porte se referme.
J’ai l’esprit de l’escalier
Dans la rue, je réalise que je viens de dire non à un plan cul qui ne m’a pas été proposé comme tel. J’en suis abasourdi. Et surtout un peu humilié. Pas que X ait voulu me sauter, mais qu’elle m’ait fait convoquer par sa secrétaire. C’est humiliant. Si elle m’avait téléphoné elle-même, si elle avait essayé de créer un lien un peu amical, voire complice, j’aurais sans doute laissé mon imagination folâtrer. Mais rien ne m’avait préparé à un rôle d’objet sexuel. Je n’en ai pas l’habitude. Certes, la robe de chambre était là pour me donner une indication, mais l’idiot un peu coincé que j’étais n’a pas su, ou pas voulu, décrypter.
X ne m’a pas sauté dessus, ne m’a pas mis la main aux fesses, mais elle m’a convoqué comme on convoque une secrétaire sous prétexte de lui dicter une lettre, alors qu’en réalité on a d’autres objectifs pour elle. J’en suis encore vexé.
Le temps a passé, mais à l’heure où les femmes politiques disent se rebeller contre le sexe obligatoire et le droit de cuissage, cette histoire me revient. Femme ou homme, on entre en politique pour les deux mêmes objectifs : le sexe et l’argent. Le chef, depuis les cavernes, est celui qui domine les plus jolies femmes et s’accapare les meilleurs morceaux du gibier, laissant les moches et les abats aux sous-fifres.
Les femmes se conduisent en politique de la même manière que les hommes. Elles veulent le pouvoir sur les hommes beaux et l’argent. Si elles ont été victimes sexuelles à leur entrée en politique, elles l’ont accepté en toute connaissance de cause : le prix à payer en quelque sorte. Si elles se positionnent en victimes sexuelles aujourd’hui, ce n’est pas pour défendre l’intérêt général, mais parce que c’est le meilleur moyen, POUR ELLES, de se tailler une place au plus près du podium, voire sur le podium lui-même.
Ne nous laissons pas berner, la pétition androphobe des femelles de l’Assemblée Nationale n’a rien d’une révolte des justes ; plutôt une magouille de politiciennes qui utilisent la victimisation sexuelle comme un bon positionnement dans les courses à la primaire, les courses à la nomination, ou à je ne sais quoi d’autre qui ne concerne qu’elles.
Le cul en politique, ça ne sert pas qu’a s’asseoir, ça sert aussi à complaire au pouvoir, à conquérir le pouvoir, à assoir son pouvoir, à démontrer son pouvoir. Le pouvoir ca n’a pas de sexe. Et chaque sexe en use de la même manière.[/access]
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