Le collectif « Stop harcèlement de rue » occupe l’espace médiatique depuis quelques semaines. Mouvement pourtant assez confidentiel (il revendique un peu moins de 5800 « likes » sur les réseaux sociaux), l’une de ses représentantes s’est illustrée sur le plateau de Taddeï vendredi dernier.
Le projet du collectif tient en quelques mots, très « brandé » avec des « happenings » autour du thème « zone sans relous ». Une énième association à la communication bien rodée pleine de mots-valises, donc. Cette « première zone sans relou » rue de Lappe, près de Bastille – un quartier peu réputé pour sa pudibonderie- a produit l’effet escompté avec un ramdam médiatique disproportionné compte-tenu du peu d’envergure de la démarche. La rue est bouclée, interdite aux hommes dits « relous » qui, par exemple « commenteraient le physique [des femmes] plutôt que le complimenter » avec pour dessein « d’habiter l’espace public pareillement ».
Non sans rappeler les procédés employés jadis par certaines associations antiracistes, Héloïse Duché, la plus médiatique des fondatrices de l’association, défend chez Taddeï l’effacement de l’altérité (sexuelle) dans l’espace public. Il ne s’agit pas de bannir la drague stricto sensu, mais de l’encadrer sévèrement, suivant une série de directives, comme le commandement « tu donneras ton numéro plutôt que de le demander » dixit l’intervenante s’adressant à un co-débatteur.
On ne peut que s’émouvoir de ces nombreuses femmes se faisant régulièrement insulter au simple motif qu’elles refusent d’entrer dans le jeu lourdingue de certains dragueurs à l’idiotie crasse.
Mais difficile d’éviter une pointe de sarcasme en entendant le collectif parler de « combat mené ». Cette poussée de collectifs un peu mièvres est encouragée par les subventions que l’Etat accorde un peu légèrement à des dizaines d’associations coquilles-vides.
Ainsi, Héloïse Duché, perspicace, n’a pas manqué de rappeler que si de loi elle ne se préoccupait pas, une « intervention majeure » de la force publique était nécessaire pour « obtenir des subventions permettant la mise en place de bars et concerts sans relous ». Les publicitaires peuvent savourer, encore un effort et la drague ne sera plus qu’une affaire numérique.
Décréter plutôt que rééduquer, le collectif tombe dans l’écueil classique de ce type d’associations. Plutôt que de considérer la séduction dans l’espace public comme une réalité historique dégagée de tout rationalisme, il faudrait encore légiférer (au moins moralement) en établissant un contrat tacite entre l’homme et la femme. Lui proposant, elle disposant, cela va sans dire.
Cette contractualisation du désir, qui réduit la drague à un traité bipartite fait fi de la complexité des rapports humains. À vouloir débusquer avec paranoïa tous les dragueurs invétérés et autres maladroits de ce Monde, ces femmes finiront par gommer toute notion d’altérité physique, avec, entre autres conséquence, la possible mise à mort de la galanterie. J’ose donc crier : vive les relous !
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