Giger était un vampire. Entre vampires, nous nous reconnaissons aussitôt : la complicité est immédiate. Il y a beaucoup de vampires à Zurich, surtout dans la finance. Mais Hans-Ruedi n’avait rien à voir avec eux : il se donnait passionnément à l’élaboration d’univers étranges et macabres, les seuls où il pouvait se réfugier. Il n’est pas facile de survivre en Suisse quand on est un vampire et il préférait les États-Unis, Hollywood notamment où les vrais vampires ne meurent jamais. Surtout quand ils ont du génie, ce qui était le cas de Giger.
Il serait décédé ce douze mai à la suite d’une mauvaise chute : une chute dans le temps sans doute. Il avait créé le monstre « Alien » dans le film de Ridley Scott. Mais il avait surtout renouvelé l’art gothique et satanique. Il lui avait fallu boire le sang sucré d’innombrables Suissesses pour parvenir à ses fins. Il ne sortait que la nuit et dormait dans un cercueil. Sa maison, près de la gare de Zurich, était recouverte de tissus noirs et ornée du portrait de ses proies. Il avait avec la mort une familiarité particulière : il avait longtemps erré en Engadine, notamment du côté de Sils-Maria. Il aurait même soufflé à Nietzsche l’idée de l’Éternel Retour.
Il avait fort mauvaise réputation : certains le trouvaient kitsch, d’autres d’un expressionnisme esthétisant. Et puis, en Suisse, on n’aime pas trop les vampires. Mais quand on a appris qu’il était célèbre aussi à Hollywood, il a eu droit à son musée en Gruyère. Et croyez-moi : ça n’a rien à voir avec le fromage ou la crème de Gruyère. D’ailleurs les vampires n’aiment pas le fromage et encore moins la crème. Ils veulent du sang. Et son œuvre en porte encore les traces.
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