La victoire de Benoît Hamon redessine la géométrie de la gauche. Jusqu’ici, le PS occupait la case réformiste, le Front de gauche la case radicale. Or le candidat qui portera la casaque socialiste à la présidentielle est le chef de file de ceux que l’on a baptisé les « frondeurs » : les députés socialistes qui se sont opposés à la « dérive social-libérale » incarnée par François Hollande et Manuel Valls.
Il y a toujours eu au PS, ou à la SFIO, une aile gauche proche des radicaux, hier des communistes. La nouveauté, c’est qu’un de ses représentants a battu le représentant de la gauche de gouvernement, à savoir le Premier ministre sortant. Est-ce un signe du gauchissement des sympathisants socialistes ? Pas vraiment : une très grande partie des électeurs de François Hollande de 2012 sont aujourd’hui en rupture avec le PS. Leur nouveau champion s’appelle Emmanuel Macron, l’homme qui a lui-même rompu les amarres avec la gauche des appareils.
Gauche socdem vs gauche radicale
Désormais, il y a toujours deux gauches, mais elles ont changé de code postal. D’un côté, la gauche social-démocrate, ou « progressiste », comme on voudra, qui s’apprête à voter Macron malgré (ou à cause de) la volonté de celui-ci de s’adresser aussi au centre et à la droite. De l’autre côté, la gauche radicale, qui se retrouve avec deux candidats : un vieux tonton grincheux, Jean-Luc Mélenchon, qui a cru bon la semaine dernière d’invectiver des syndicalistes cheminots ; et un gendre idéal qui souscrit à toutes les dernières lubies de la gauche de la gauche, du revenu universel aux 32 heures.
Devant la totale démagogie d’Hamon, Mélenchon a du souci à se faire ! Au-delà, Hamon pourrait-il devancer également Macron, voire accéder au second tour si François Fillon avait lui aussi un accès de faiblesse ? On verra bien. Mais cela confirme que la France est de son côté coupée en quatre, en quatre quarts presqu’égaux. Un quart FN, Marine Le Pen est désormais en tête des intentions de vote à la présidentielle avec 25-26%. Un quart droite et centre orthodoxe avec un François Fillon aujourd’hui miné par le Pénélopegate mais qu’il ne faut pas sous-estimer. Un quart gauche radicale avec une incertitude sur l’issue du match Hamon-Mélenchon. Et un quart progressiste, plus composite, plus friable – Macron tiendra-t-il la distance ?- mais qui constitue la vraie nouveauté de la scène politique : partout en Europe naissent des mouvements qui dépassent le clivage droite-gauche.
La politique des quatre quarts
Un tel morcellement induit une conclusion logique : deux quarts vont devoir se rapprocher sous peine que le gouvernement issu de la présidentielle et des législatives soit d’emblée ultra-minoritaire dans le pays. Aujourd’hui, personne n’y pense. Hamon se paie même le luxe de prôner « une majorité gouvernementale » avec le Front de gauche et les Verts en ignorant Macron ! C’est surtout se payer… de mots : dans les démocraties, 25% n’ont jamais fait 50% !
Quel rapprochement souhaiter ? Le FN reste en dehors du cercle des possibles, ne serait-ce que parce que Marine Le Pen veut, comme Hamon, tout le pouvoir pour son seul quart. La gauche radicale n’est pas plus fréquentable car c’est avant tout une gauche négationniste : elle ignore les deux principaux problèmes de la société française ; sur le plan économique, le chômage de masse qui frappe surtout les jeunes issus des milieux populaires, de tous les milieux populaires ; sur le plan sociétal, la question de la maîtrise des flux migratoires et de la place de l’islam.
Un seul regroupement apparaît donc possible: une grande coalition autour de Fillon et de Macron. Normal qu’ils se tirent la bourre jusqu’en mai : la question du leadership n’est pas accessoire. Mais une fois départagé par le suffrage universel, ils devront s’entendre. Sous peine que la France connaisse un nouveau quinquennat foireux.
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