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Shakespeare and Company

« Être père ou n’être pas père : telle est la question. »


Shakespeare and Company
Thomas A. Ravier. © Ed. Tinbad.

Hamlet Mother Fucker, le roman décapant de Thomas A. Ravier.


Pour la rentrée, je vous propose un roman qui décoiffe. Déjà le titre : Hamlet Mother Fucker. Le style est ébouriffant, les dialogues percutants, avec des métaphores et formules que les sensitive readers auraient effacées immédiatement du texte. Censure ! Censure ! Les personnages sont également déjantés, dans le bon sens du terme, c’est-à-dire qu’ils nous envoient une bouée de sauvetage pour échapper à la marée noire du wokisme. Mention spéciale pour l’actrice écossaise, Stella Garden, qui travaille dans une boucherie et apprécie la chambre froide où pendent, à des crochets, les carcasses. Une héroïne bataillienne qui utilise le crâne de Yorick pour de coupables actes.

Pas le premier coup d’éclat de Thomas A. Ravier

Mettons un peu d’ordre. Le personnage principal se nomme Eliot Royer. Il est comédien et joue le personnage d’Hamlet à la fois sur scène et sur le théâtre du monde. Il a aimé une certaine Joséphine Ortez, Jo pour les intimes, dont la destinée sera tragique. Normal, direz-vous, on évoque ici le plus grand écrivain de tous les temps, Shakespeare, indémodable, indépassable. On est dans le tragique mais également dans le baroque avec le roman de Thomas A. Ravier qui n’en est pas à son premier coup d’éclat. Il a publié de nombreux essais et romans, dont le très remarqué Les aubes sont navrantes (2005), chez Gallimard, collection « L’Infini » dirigée par Philippe Sollers. On retrouve, du reste, l’influence sollersienne dans Hamlet Mother Fucker comme, par exemple, la critique de la Technique ainsi que l’illustration fort érotique de la célèbre affirmation énoncée dans Femmes : « Le monde appartient aux femmes. C’est-à-dire à la mort. Là-dessus, tout le monde ment. » Eliot Royer finit par être emporté par la folie de son personnage. Il ne voyage pas sans sa valise qui contient un crâne, celui de Yorick, évidemment. Mais cette folie, empruntée à Érasme et Artaud, est celle de la clairvoyance. Eliot Royer : « Le couple que je forme avec ma folie me suffit largement. Bâtir un royaume de bâtard pour butors, alors qu’on peut passer sa vie à tenir des discours à l’air immatériel. » Soyons clandestins, à conditions d’avoir de bons livres pour « tenir des siècles en coulisses. »

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Comédie hallucinée

Le problème reste la France qui n’a rien compris à Shakespeare. Eliot Royer : « La France est une prison. Même si l’étendue de la catastrophe est aujourd’hui planétaire, il règne chez nous un malaise honteux spécial. Enfin, nous ne sommes pas responsables de ce qu’est devenu l’immense théâtre de l’univers. Puisque le complot est général… » Alors se pose la question suivante : « Être père ou n’être pas père : telle est la question. »

Il faut se laisser emporter par le fleuve Ravier et sa comédie profonde et hallucinée. Et puis, après, relire Hamlet serait une bonne initiative. Mais pas dans la traduction de Gide, dont les « pudeurs métaphysiques » sont plus que suspectes.

Thomas A. Ravier, Hamlet Mother Fucker, Tinbad.

Hamlet Mother Fucker

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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