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Hamilton, Fiona, Sauvage: deux semaines, trois lynchages


Hamilton, Fiona, Sauvage: deux semaines, trois lynchages
Manifestation de soutien à Jacqueline Sauvage à Paris, janvier 2016. SIPA. 00739153_000002
Manifestation de soutien à Jacqueline Sauvage à Paris, janvier 2016. SIPA. 00739153_000002

Pendant 15 jours, les médias ont déployé des efforts considérables pour nous persuader que la primaire de la droite était en fait l’élection présidentielle. Cet événement à l’importance relative, la mère des batailles devant se dérouler au mois de mai prochain, a quand même occupé la quasi-totalité de l’espace médiatique. Il a bien fallu pour éviter répétition et lassitude trouver de quoi distraire les foules. Trois lynchages ont fait l’affaire, trois lynchages qui ont permis d’alimenter la machine à broyer, en donnant du grain à moudre à ceux qui ne se sentent jamais mieux que lorsqu’ils sont en meute.

Le feuilleton Jacqueline Sauvage tout d’abord, puisque la justice vient de refuser une nouvelle fois sa mise en liberté anticipée. Depuis le début, c’est la justice et ceux qui la rendent qu’on traîne dans la boue. Rappelons si nécessaire que Jacqueline Sauvage a été condamnée par deux cours d’assises successives à 10 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son mari, et que deux demandes de mise en liberté ont été refusées par les juridictions d’application des peines. Sauf à considérer que la justice est rendue par des sadiques obtus, il y aurait quand même à s’interroger sur cette continuité. Et la réponse fournie serait très simple. L’histoire de Jacqueline Sauvage n’est en aucun cas celle qu’on nous raconte, celle d’une femme et ses enfants brutalisés pendant 47 ans par un mari tortionnaire, qu’elle aurait tué pour se défendre. Ce storytelling commode est simplement faux, et la malheureuse en est aujourd’hui prisonnière. On ne reviendra pas sur les détails du dossier dont la consultation et l’étude permettent de revenir au réel et à la vérité cette information est disponible. Alors pourquoi cette étrange clameur, dont beaucoup de ceux qui y participent ne mesurent probablement pas, sa conséquence logique ? Parce que si la fable de la femme battue tuant pour se défendre que nous servent les médias et les groupes militants est la vérité cela implique que tous les magistrats et les jurés qui ont eu à en connaître sont des salauds.

Jacqueline Sauvage est l’otage de gens qui n’ont pas le souci de ses intérêts

Mais cet aveuglement prend sa source dans le choix délibéré de la défense de Jacqueline Sauvage devant la cour d’assises d’appel, et dans le militantisme féministe victimaire de groupes qui bénéficient de relais dans le « mainstream ». La défense a choisi en appel, de ne plaider que la légitime défense, ce qui ne tenait, factuellement et juridiquement, pas debout. Écoutons Pascale Robert–Diard : « deux avocates habiles communicantes transforment le cinglant échec qu’elles ont essuyé pour leur cliente devant la cour d’assises en bruyante cause médiatique ». La clameur goulûment relayée dans les médias énamourés a débouché sur une grâce partielle accordée, par un François Hollande que l’on sait depuis Leonarda incapable de résister à la foule. Deuxième cadeau empoisonné, qui a encore un peu plus enfermé à double tour Jacqueline Sauvage dans le mensonge d’un statut de victime qui n’est pas le sien. Confronté à la persistance de ce mensonge, les magistrats qui ont désormais son sort entre leurs mains ne peuvent le reconnaître pour vérité. Ils désavoueraient ainsi toute la chaîne judiciaire qui a pourtant objectivement fait son travail, et priverait la peine prononcée à deux reprises de sa dimension de « châtiment ». La peine pénale n’est pas seulement destinée à mettre hors-circuit le délinquant, mais également à « rétribuer » d’une punition l’infraction commise. Il est finalement affligeant de constater que la malheureuse Jacqueline Sauvage est l’otage de gens qui tout à leur militantisme narcissique, n’ont pas le souci de ses véritables intérêts.

L’affaire Fiona ensuite, terrible histoire d’enfant maltraité jusqu’à la mort, accompagnée d’un horrible mensonge, et de l’impossibilité de retrouver le petit corps. Il faut faire un effort, c’est vrai pour ne pas céder aux bouffées de haine qui montent lorsque l’on entend ces histoires insupportables. Aussi, lorsque le procès a débuté, que l’odeur du sang a commencé à flotter, les médias ne se sont pas fait prier pour donner du grain à moudre à la foule. Il est tellement plus facile d’alimenter la haine que d’en appeler à la raison. Alors, quand survint le verdict ce fut un déchaînement, la gueule de la meute n’était pas belle à voir. L’avocat général avait demandé le maximum, 30 ans de réclusion criminelle, pour chacun des deux accusés qu’il ne voulait pas séparer dans l’horreur du crime. Ce fut pourtant 30 ans pour le compagnon de la mère et 5 ans pour la mère. Cette différence provoqua immédiatement une incompréhension furieuse et un immense tollé. Lynchage médiatique immédiat de la mère et bien sûr des magistrats et des jurés coupables de cette mansuétude insupportable. Et pas grand monde pour se poser la question du pourquoi. Eh bien parce que la cour d’assises a appliqué rigoureusement la loi et les principes. Les deux adultes étaient poursuivis pour avoir porté les coups mortels. La preuve en a été rapportée pour le compagnon de la mère qui a subi le maximum prévu par la loi. Pas pour la mère, et ce n’était pas elle de prouver qu’elle n’avait pas frappé, mais à l’accusation de rapporter la preuve qu’elle l’avait fait. Ce qu’elle n’a pu réaliser, ramenant l’infraction commise à la « non-assistance à personne en danger » pour laquelle la mère de Fiona s’est vu infliger là aussi le maximum c’est-à-dire cinq ans de détention. J’ai suffisamment souvent critiqué les magistrats pour cette fois-ci leur exprimer mon respect, ainsi qu’aux jurés, pour ce que je considère comme une bonne nouvelle. Qu’ils aient eu le courage et la fermeté de résister à l’émotion et de faire valoir les principes indispensables à un État de droit.

Une mission sur le viol confiée à Flavie Flament

Venons-en enfin à ce lynchage médiatique qui a abouti sans que cela gêne grand monde à la mort d’un vieillard de 83 ans. Une animatrice people d’émissions de télévision et de radio publie brusquement à l’automne 2016 un livre dans lequel elle accuse de façon transparente un photographe en vue dans les années 70 de l’avoir violée alors qu’elle avait 13 ans. Puis au cours des bruyantes opérations de promotion, elle jette son nom en pâture aux médias et aux réseaux qui s’en emparent avec gourmandise. Naturellement, pour expliquer un silence trentenaire, que l’on rompt bien après la prescription pénale acquise, ressortent à tout propos les théories de la mémoire traumatique, de la terrible difficulté à libérer la parole, pour justifier que l’on jette brutalement l’honneur d’un homme dans le caniveau. Les membres de sa famille disent leur stupéfaction devant ce qu’ils considèrent parfois comme des affabulations. David Hamilton âgé de 83 ans rejette véhémentement ces accusations. Et pourtant les médias embrayent et présentent en violation de toutes les règles les accusations de Flavie Flament comme avérées. Ce qui, comme d’habitude, réveille brutalement les souvenirs enfouis depuis des dizaines d’années d’autres accusatrices. La ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol qui n’en rate pas une décide de lui confier une mission sur l’allongement des délais de prescription. Pas à des universitaires, des psychiatres, des spécialistes sur une question essentielle qui concerne les principes du droit pénal applicable dans notre pays, non, non, à l’animatrice d’émissions de télé réalité car « elle, c’est une victime mais c’est une experte de ce sujet également.» Une victime ? Mais qu’en savez-vous Madame le ministre ? Une experte ? Mais depuis quand ?

Je ne sais pas ce qui s’est passé il y a 30 ans, et il est aujourd’hui impossible de le savoir. Mais il y a des règles qui s’appliquent dans un État de droit, et dans ce lynchage médiatique elles ont été foulées aux pieds. David Hamilton a compris que son innocence judiciaire pourtant définitive ne le protégerait de rien. Le vieillard a préféré quitter ce monde. Ce qui n’a pas provoqué le moindre remord chez l’accusatrice tardive et ceux qui ont aboyé derrière elle. Flavie Flament a dit être « dévastée », non par la mort de l’homme qu’elle a jeté aux chiens, mais parce que sa disparition « allait la condamner au silence ». Le même que celui qu’elle avait gardé pendant 30 ans ?

La société du spectacle a parfois très vilaine figure.



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