Le Hamas a remis ce matin à Israël les corps de quatre otages, dont ceux des deux enfants Bibas, en échange de la libération de prisonniers palestiniens. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.
L’institut médico-légal Abu Kabir de Tel-Aviv a annoncé ce soir que les travaux d’identification des corps restitués à Israël plus tôt dans la journée par le Hamas se poursuivaient pour trois d’entre eux, le quatrième – Oded Lifshitz , 85 ans – ayant déjà été identifié NDLR. |
Je n’ai rien à dire. Rien que ne disent déjà les yeux rieurs de ce bébé rouquin assassiné parce qu’il était juif. Rien d’autre que l’incompréhension et l’envie de croire que nous n’oublierons pas, même si, bien sûr nous continuerons à tapoter sur nos téléphones et à faire les soldes (on a arrêté la poésie, mais pas à cause d’Auschwitz). Il y a des enfants soldats. Guillaume Erner rappelait l’autre matin que Kfir Bibas avait fait entrer dans notre vocabulaire le monstrueux oxymore « bébé-otage ».
La mémoire vit avec son temps. Les visages de Kfir et Ariel Bibas que nous garderons sont des instantanés heureux, vestiges en couleur de promesses piétinées. Pourtant, ils convoquent irrépressiblement l’image en noir et blanc de l’enfant du ghetto de Varsovie. Mis en joue par un soldat allemand, il lève les bras. À ses côtés, une femme, sans doute sa mère, dont l’amour surpasse encore l’indicible effroi. S’appelait-il Yentl, Shmouel, Moïshé, on ne sait pas. La photo, retrouvée dans l’album d’un SS, ne voulait pas dénoncer, mais prouver le sérieux de l’entreprise de déjudaïsation menée par les nazis. Le 7-Octobre, les assassins ont pris des photos et des vidéos, pour montrer au monde entier, et à leurs familles pétries de fierté, qu’eux aussi étaient capables de massacrer des juifs. Qu’ils pensent être des héros – et le soient pour beaucoup – révèle à quel point la « cause palestinienne » a perdu la tête.
Alors que l’atroce nouvelle de la mort des Bibas se répandait, distillée au compte-goutte par les sadiques du Hamas, un autre visage est arrivé dans ma boite aux lettres, celui du jeune Roman Polanski, un autre enfant du ghetto dont la mère n’est pas revenue. Sandrine Treiner publie chez Flammarion le bouleversant témoignage qu’il a livré à l’INA ainsi que celui de son père, rédigé après plusieurs décennies de silence1.
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Alors que le convoi funèbre de véhicules blancs traversait Israël en deuil, comment ne pas penser aussi à Myriam Monsonego, Arié et Gabriel Sandler (8, 5 et 3 ans) assassinés dans une cour d’école, eux aussi parce qu’ils étaient juifs ? L’uniforme change, la rage d’effacer ne varie pas, comme en témoigne l’obscène mise en scène des échanges – si obscène que même la Croix-Rouge s’en est émue. Comme le rappelle Michael Prazan dans La vérité sur le Hamas et ses idiots utiles (L’Observatoire, 2025), la force maléfique du Hamas, c’est l’amour de la mort – même si ses dirigeants aiment surtout celle des autres. Qui osera demander aux Israéliens de se réconcilier avec ces foules qui dansent sur des cercueils ?
Bien sûr, toutes les vies se valent. Encore que. J’ai beaucoup de mal à penser que celle de Yahia Sinwar, qui aura laissé pour toute trace de son passage sur terre un fleuve de sang, vaut celle de Kfir Bibas. Et autant à ne pas regretter que des médecins israéliens lui aient sauvé la vie. Mais toutes les vies d’enfants se valent. Il n’y a pas de bons et de mauvais enfants morts. On doit tous les pleurer. Les enfants palestiniens tués à Gaza étaient eux aussi des promesses détruites, eux aussi avaient des mères qui ont filmé leurs premiers sourires. Combien, parmi ceux qui restent, sont détruits de l’intérieur par le bourrage de crâne et l’endoctrinement au fanatisme, on l’ignore. Peut-on en vouloir aux enfants de croire ce que leur disent les adultes ?
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On n’honore pas par le mensonge. Si toutes les vies d’enfants se valent, toutes leurs morts n’ont pas le même sens. Les enfants de Gaza ont été délibérément, cyniquement sacrifiés par le Hamas, sans doute la seule « force militaire » au monde qui protège ses combattants et expose ses civils. Ne les laissons pas enrôler dans la croisade « antisioniste » de l’islamo-gauche, alors que le mensonge éhonté du « génocide » est devenu une vérité, qui sert de sauf-conduit à tous ceux qui réclament plus de liberté d’expression pour pouvoir cracher leur haine des juifs.
On croit souvent que l’injonction juive « souviens-toi » – Ytzkor – concerne les victimes. Mais il s’agit d’abord de se souvenir d’Amalek, figure fondatrice des ennemis du peuple juif. Souvenons-nous de Kfir, Ariel, souvenons-nous de Myriam, Arié, Gabriel. Que les innocents massacrés reposent en paix. Mais n’oublions jamais ceux qui profanaient leurs visages placardés sur les murs de nos villes. N’oublions pas les ricanements d’Ersilia Soudais, n’oublions pas les mensonges de Guiraud, Caron, Delogu et consorts, n’oublions pas les sous-entendus de Mélenchon. Le déshonneur ne s’efface pas avec le temps.
Ne courez pas ! Marchez !: suivi de Lettres à mon fils de Ryszard Polanski
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