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Halte aux amalgames, à tous les amalgames


Chaque semaine jusqu’à l’élection présidentielle, la « battle » sur Yahoo ! Actualités confronte les éditos de Rue89 et Causeur sur un même thème. Cette semaine, Gil Mihaely et Pascal Riché débattent des conséquences de la tuerie de Toulouse.

Si vous pensiez, à la suite de la série d’attentats commis par Mohamed Merah, que l’ennemi a pour nom Al-Qaïda, et qu’il y a comme un problème avec une certaine forme d’islam -malheureusement pas aussi marginale qu’on nous l’a dit- détrompez-vous ! Le problème et ailleurs et l’ennemi est tout autre : le seul, le vrai problème du moment, c’est l’amalgame ! Et c’est vrai, l’amalgame peut être meurtrier. Ou plutôt les amalgames peuvent être meurtriers.
Il y a bien entendu cet amalgame dont tout le monde parle aujourd’hui. Cet amalgame qui, s’il prenait corps, rendrait complices tous les musulmans et les franco-maghrébins de France des crimes atroces commis par l’un d’entre eux. Cette folie collective n’a évidemment pas lieu d’être et fort heureusement tous les représentants de la Nation, des communautés et des confessions n’ont pas attendu une seconde pour tordre le cou à toute tentative d’incrimination sans distinction. Cet amalgame-là est donc désigné, dénoncé et combattu vigoureusement et sans ambiguïtés. C’est bien.

Mais il y a un autre amalgame, beaucoup moins stigmatisé et face auquel le combat est livré en ordre dispersé, quand toutefois il est mené. Bien plus insidieux, cet autre amalgame tue. Il s’agit de l’amalgame entre Juifs et Israéliens et son cortège de raccourcis concernant le conflit au Moyen-Orient
Un professeur qui enseigne dans un lycée en Seine-Saint-Denis m’a raconté qu’après la minute de silence observé dans son établissement mardi dernier, plusieurs élèves lui ont demandé quand le même hommage serait rendu aux enfants palestiniens. Ils n’ont pas réclamé de minute de silence pour les enfants tués en Syrie ni pour les jeunes adolescents irakiens, qui ont leur âge, chassés et lapidés ces dernières semaines car leur coupe de cheveux et leur tenue vestimentaire offensent certains « adeptes d’une interprétation malheureuse de l’Islam qui est au fond une religion de paix ». Au fond, ce qui compte ce n’est pas l’identité des victimes mais bien évidement celle des supposés bourreaux. Affichant un profond racisme, ceux qui tombent dans ce genre d’amalgame acceptent presque certains massacres.

Les images de la soi-disant mort de l’enfant palestinien Mohamed al-Dura (attribuées par une tragique erreur de France2 à l’armée israélienne) ont touché le cerveau bourré de propagande haineuse de Mohamed Merah, mais aussi l’antisémite Youssouf Fofana et les membres de son bien nommé « gang des barbares ». Le mythe des Israéliens (et donc des Juifs) assassins d’enfants palestiniens et l’amalgame qui s’ensuit ont déjà tué en France et ailleurs.
Il est temps que les responsables confessionnels et communautaires musulmans s’attaquent aussi à cet amalgame-là, beaucoup plus dangereux pour le « vivre ensemble ». L’indignation facile, ça suffit ! La vie dans une république, dans une société ouverte sous un régime de démocratie libérale est mentalement et intellectuellement très exigeante. Ces autorités religieuses musulmanes, ces dirigeants associatifs islamiques « modérés » doivent changer d’optique, quitte à remettre un peu en cause la tolérance passée vis-à-vis des « brebis égarées », car toute brebis risque un jour de devenir un loup armé d’un Colt 45.

Ils doivent par exemple, chasser des mosquées les imams francophobes, antisémites ou homophobes. Ils doivent encourager les croyants à dénoncer à la police française tout ce qui ressemble à une menée illégale intégriste. Ils doivent tout mettre en œuvre pour que Mohamed Merah ne devienne par un héros, une sorte de « abou-Rambo » dont le dernier combat ferait rêver certains dans les cités. Ils doivent enfin, sous peine d’être complices, au moins par négligence, de nouveaux crimes, apprendre à leurs ouailles à faire la part des choses, distinguer entre un soutien légitime à la cause palestinienne et une haine aveugle et aveuglante. Mais ils doivent surtout traquer tous les amalgames et apprendre aux enfants musulmans de France que Bobigny n’est pas Gaza, et que Gaza n’est pas Auschwitz et qu’Auschwitz, n’est pas un mythe.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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