L’Institut Montaigne propose de financer la construction de mosquées par une taxe prélevée sur la vente de viande hallal et les pèlerinages à La Mecque. Si l’ambition de vouloir construire un islam français débarrassé des influences étrangères est louable, la consécration du hallal créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.
Objet de nombreux débats, les modalités de financement du culte musulman sont décisives tant elles peuvent façonner le rapport de la religion et de ses fidèles à la société française. L’idée d’une « taxe hallal » évoquée de longue date et reprise dans le récent rapport de l’Institut Montaigne, a ravivé les discussions, notamment dans le cadre des « Assises de l’islam » organisées par le ministère de l’Intérieur.
Les difficultés de l’organisation actuelle
Le financement et l’entretien des lieux de culte (construits dans leur ensemble postérieurement à la loi de 1905) sont aujourd’hui fréquemment assurés par les contributions des fidèles. Néanmoins, le financement est parfois complété par des fonds en provenance de l’étranger, ces situations étant source de polémiques, du fait de l’ambition de certains pays ou mouvements d’exercer une influence, directe ou indirecte, sur les musulmans de France.
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Cette influence peut porter sur le dogme en lui-même ou viser simplement à ancrer chez le citoyen français un lien entre l’exercice du culte et ses éventuelles origines. Deux stratégies qui contredisent les objectifs d’intégration et qui expliquent la juxtaposition dans nombre de villes de mosquées « algérienne », « turque », « marocaine », etc., situation qui peut contredire le sentiment général d’un manque de lieux de cultes islamiques en France. Voilà qui peut fragiliser la société française, nombre de musulmans français, et singulièrement ceux d’entre eux nés en France, pouvant se sentir, implicitement, invités à vivre leur culte à travers leurs origines ; comme si l’islamité de citoyens français était fondamentalement exogène à notre société.
De surcroît, dans ce contexte de rapports d’influence, des accords plus ou moins explicites d’élus locaux avec des courants religieux poussent parfois les collectivités à accorder des baux emphytéotiques ou des garanties sur des prêts, en contournant la loi de 1905 sur l’autel d’un périlleux clientélisme.
Des taxes ou redevances privées « hallal » et « pèlerinage » ?
Afin de répondre à ces difficultés, il est régulièrement proposé de mettre en place un financement fondé sur le prélèvement d’une taxe sur les produits hallal, voire sur le prix des pèlerinages à La Mecque. Au-delà des obstacles pratiques et juridiques que cette modalité poserait, cette idée suppose qu’il existe d’importants besoins de financement. Cet élément est-il réellement objectivé ? En outre, prétendre à une exceptionnalité du culte musulman en France qui, en raison de son développement postérieur à 1905, nécessiterait un appui particulier pour financer un rattrapage en matière d’équipement, est un raccourci un peu rapide. Le culte bouddhiste ou les églises orientales ont fait face à des difficultés similaires et répondu en proportion au besoin de construire des lieux de culte en s’appuyant sur les dons de leurs fidèles.
Par ailleurs, mettre en place cette taxe repose sur un parti pris politico-religieux : que la consommation de viande hallal constitue une norme pour l’islam de France. Rien ne l’indique pourtant : il ne revient pas aux pouvoirs publics de prendre une position, même indirecte, sur ce point.
Quelles solutions pratiques ?
Les solutions découlent de l’objectif. Ce dernier est clair : permettre aux musulmans de France de vivre leur foi librement, en tant que citoyens français musulmans. Choisir de construire une pratique française de l’islam signifie la détacher – et même la protéger ! – des politiques d’influence extérieures. Il s’agit, sans détour, d’interdire les financements étrangers pour l’ensemble des cultes et de refuser les financements ou appuis indirects. Mettre fin aux financements de fondations ou gouvernements encourageant l’extrémisme ne pourra qu’aller dans le sens de la sécurité nationale et de l’intégration sociale. Couper le cordon ombilical avec les « pays d’origine » incitera les fidèles à s’organiser en fonction de leur bassin de vie cultuelle et non en fonction d’incitations venues du lointain.
Au fond, il n’existe pas de meilleure solution aux difficultés de l’islam de France que de lui accorder la normalité à laquelle il aspire. Cela signifie consolider le système du financement des lieux de culte musulmans de France par les musulmans de France. Il convient précisément de les y encourager en leur apportant des garanties de transparence – c’est là que les pouvoirs publics peuvent jouer leur rôle d’accompagnement.
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Les associations souhaitant construire ou gérer une mosquée devront ainsi être conduites à professionnaliser leur comptabilité, l’affectation de chaque don devant être tracée (certaines associations ont déjà un niveau de professionnalisation important). Le niveau local avec des circuits courts paraît être le bon niveau d’identification des besoins de financement : les projets pourront émerger si et seulement si un véritable besoin apparaît au niveau local. Les ambitions consistant à salarier l’ensemble des imams à un niveau global ne paraissent pas répondre aux craintes auxquelles elles sont censées répondre : la formation des imams français en France, déjà largement pratiquée, n’est nullement un gage de non-radicalité.
Le niveau national ou régional semble, en revanche, le plus pertinent pour le recueil, la gestion et le décaissement des dons qui transiteraient de façon fléchée et contrôlée à travers ces structures. Un suivi budgétaire et comptable particulier associant État, collectivité et associations cultuelles apporterait aux fidèles un degré élevé de confiance. Reconnues d’utilité publique, elles pourraient recevoir des dons déductibles de l’imposition.
Les pouvoirs publics joueraient ainsi leur rôle : traiter de la même manière l’ensemble des cultes, fixer les règles, les faire respecter et offrir des alternatives robustes aux influences étrangères ou radicales sur le territoire français. Et l’islam de France serait entre les mains des seuls musulmans de France.
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