Madame la Ministresse, comme vous, nous avons pris connaissance avec le plus grand intérêt du rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) intitulé La place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires.
Bien sûr nous approuvons, sans toujours la comprendre, l’idée générale du rapport : « En transmettant des savoirs, les manuels scolaires proposent des représentations de la société. Ils peuvent véhiculer des représentations stéréotypées qui peuvent être à l’origine de discriminations. »
Mais nul doute qu’avec plus de moyens, tant financiers qu’intellectuels, la Halde pourrait aller plus loin encore dans son combat citoyen. Imaginons par exemple qu’un représentant de cette instance siège désormais, ès-qualités, au comité directeur de chaque maison d’édition scolaire pour pratiquer “in vivo” une vigilance quotidienne contre ces stéréotypes qui nous ont fait tant de mal.
Et puis dans notre société d’images il y a plus grave encore, peut-être, que les discriminations réelles : leur représentation.
Quoi de plus pervers en effet que la photo, apparemment innocente d’une famille composée d’un seul père, d’une seule mère et de leurs propres enfants ? La Halde y discerne à juste titre une logique d’exclusion a priori de l’homoparentalité, ou de la famille recomposée traditionnelle.
Enfin et surtout, revenons aux fondamentaux, Madame la Ministresse ! La culture dite « classique » que l’on enseigne encore aux enfants de la République est tout imprégnée de cet esprit discriminatoire contre lequel a commencé la lutte finale.
Certes le rapport de la Halde épingle à juste titre Ronsard, dont telle page fameuse donne de nos séniors une image particulièrement négative, voire carrément gâteuse.
Mais c’est en réalité toute la littérature qu’il convient de revisiter à la lumière des « Idées nouvelles » pour y débusquer les préjugés des autres, quels qu’ils soient : xénophobes, homophobes, claustrophobes, misogynes, transphobes, anti-allemands…
De la « Chanson de Roland » à Coluche en passant par Molière, Corneille, Voltaire, Baudelaire et Jean Genet, c’est tout un travail de rectification anti-discriminatoire qu’il s’agit d’opérer aujourd’hui sur ces auteurs, pour l’édification des générations futures.
Comptant sur vous avant le prochain remaniement, Mme la Ministresse, nous vous prions d’agréer…
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