Il y a quelques jours, l’exquis causeur Marcel Meyer a attiré mon attention sur un rapport de la Halde concernant les manuels scolaires. La première chose que j’ai faite, cela a été bien sûr de le télécharger, ensuite de le lire puis, au bout de la troisième page, je suis retourné sur le site de la Halde pour voir, à tout hasard, si ce rapport n’avait pas été publié un premier avril. Comme ce n’était pas le cas, j’ai ensuite vérifié que j’étais bien sur le site de la Halde, qu’il ne s’agissait pas d’un pastiche particulièrement sophistiqué dont Basile de Koch m’aurait caché l’existence. Là encore, je confirme, pas de canular possible. La vraie Halde a bien commandité, publié et avalisé un vrai rapport intitulé : Place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires. Un rapport qui n’a pas été enfoui au fond d’un tiroir mais, au contraire, a permis à cette « hautoto » de faire une série de recommandations officielles. Un rapport de 200 pages que j’ai lu avec attention et – c’est une litote – incrédulité. Un rapport qui m’a amené à penser que le problème n’est pas tant du côté des manuels scolaires, mais de la Halde elle-même. Mon diagnostic est simple : cette Haute Autorité-là est une maison de fous, qu’il faut faire évacuer immédiatement par la force publique.
Pour ceux qui croient que j’exagère, et qui n’auraient pas le temps ou les nerfs pour s’embourber cet interminable pensum (heureusement égayé par une flopée de barbarismes et de fautes d’orthographe), j’ai pensé que le plus simple était de rester « près de la copie » en sélectionnant sujet par sujet – donc discrimination par discrimination –, les constats et recommandations des experts mandatés par la Halde.
Tout d’abord quel est l’objet exact de ce rapport ? Les auteurs nous l’expliquent dès la première page, avec leurs mots à eux, auxquels, je vous préviens, il faudra bien vous habituer si vous voulez aller au bout de cet article : « Ce document constitue le rapport final de l’étude sur la place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires, commandée par la Halde et réalisée par l’Université Paul Verlaine, de Metz. Cette recherche comprend trois approches : juridique, cognitive et socio-psychologique. Cette dernière approche expose les résultats à propos de la place des femmes, des minorités visibles, des personnes en situation de handicap, des personnes homosexuelles et des seniors, dans les manuels scolaires. Chaque chapitre se conclue (sic) par des recommandations spécifiques à chaque approche et à chaque critère. »
Oui, oui, je sais, comme moi vous avez pensé, « Verlaine, que de crimes commet-on en ton nom ». Mais c’est hors-sujet : vous n’échapperez pas au listage des abominations que recèlent nos livres de classe.
Sans doute par galanterie, les auteurs ont commencé par les femmes. Figurez-vous que ça ne peut plus durer ! Je cite : « Dans les manuels d’histoire-géographie, elles apparaissent comme « icône ou emblème » (Marianne, déesses grecques ou romaines, etc.) ou comme « fille de »
ou « femme de » (Joséphine de Beauharnais) ou « mère de » (Létizia, mère de Napoléon) ou entourées d’enfants en représentation de la famille bourgeoise ou en séductrices. » Et c’est pire en littérature : « Les auteures représentent moins de 10 % du corpus des documents dans les manuels de français. » À mon avis, ce dernier constat est encore en deçà de la vérité, car nombre de ces 10 % d’auteures, à l’instar de la Marquise de Sévigné ou de Madame de Lafayette, se sont contentées de reproduire servilement l’idéologie phallocrate dominante.
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