Face à l’impasse militaire constatée sur le théâtre libyen, Hadrien Desuin, que vous pouvez lire sur Causeur, préconise d’acter la partition du pays, seule issue pour écarter une déflagration régionale de la guerre.
Conflits. Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation politique et économique globale de la Libye depuis la chute du Colonel Kadhafi le 20 octobre 2011? Quelles sont les principaux acteurs qui s’affrontent aujourd’hui dans le pays?
Hadrien Desuin. La situation est si chaotique qu’il est difficile de la suivre… On résume souvent la situation à deux camps avec à l’est les troupes fidèles au maréchal Haftar et à l’ouest celles fidèles à Fayez El Sarraj. En réalité, chaque ville, chaque province a ses propres gouverneurs, milices, conflits, retournements et divisions. La Libye est restée tribale et on peut considérer que depuis une petite dizaine d’années, elle n’existe plus en tant que telle. Elle est aujourd’hui le jeu des puissances régionales qui l’entourent. On observe néanmoins que les puissances occidentales, très présentes au début du conflit, ont tendance à être de plus en plus marginalisées, laissant la Turquie et la Russie de plus en plus en position d’arbitre de la guerre civile.
La famille Kadhafi n’a pas dit son dernier mot…
La Libye n’est pas un État-nation unitaire, au sens occidental tout du moins, car elle a toujours été tributaire des enjeux tribaux et communautaires. Mais Kadhafi avait réussi à réunir les différentes tribus de la région et à stabiliser le pays, élément qui a pris fin lors des printemps arabes de 2011 puis de la guerre civile qui a opposé les loyalistes de Tripolitaines aux rebelles de Cyrénaïques, élément qui s’est accentué avec l’intervention de la coalition internationale en mars 2011. L’héritage d’une Libye « unie » appartient-il désormais au passé?
La Libye unie et indépendante était consubstantielle de Kadhafi, mais dans des conditions très spéciales, celles d’une dictature personnelle.
Lorsqu’il prend le pouvoir en 1969, c’est une construction politique encore très largement artificielle, dans un premier temps attribuée à l’Italie dans le cadre du premier partage de l’Empire ottoman entre Européens. À la France le Maghreb, au Royaume-Uni l’Égypte et à l’Italie la Libye. Après la Seconde Guerre mondiale, l’éphémère monarchie libyenne est tombée dans l’escarcelle anglo-égyptienne.
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Après son putsch, inspiré de Nasser, Kadhafi a mené une politique très ambitieuse et très risquée de rayonnement pan-africain de la Libye, grâce essentiellement aux revenus du pétrole. On aurait pu parler à son propos d’une pétromonarchie. D’ailleurs la famille Kadhafi n’a pas dit son dernier mot puisque l’aura de Saif Al Islam Kadhafi reste considérable.
Qui est le Maréchal Khalifa Haftar et en quoi son action et ses ambitions politiques le rapprochent-elles de Kadhafi tant il semble être le seul à même de bâtir une forme de coexistence pacifique entre les différentes communautés qui composent le pays ?
Haftar n’est pas du tout du même calibre que Kadhafi quoiqu’il soit quasiment de la même génération. Ce dernier savait ménager les différentes composantes du pays. Haftar apparaît surtout comme l’homme d’une faction et surtout de l’étranger. C’est un perdant de la guerre contre…
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