Le manager est un piètre chef. Tel est le paradoxe du dernier livre de Guillaume Bigot. Patron d’un groupe d’écoles de commerce, il est bien placé pour scruter le sommet des entreprises. Son diagnostic : la crise du management est une bombe à retardement du capitalisme et le manager, ce néo-patron, fait tout de travers. Il considère ses employés comme un coût tout en leur demandant de croire en l’entreprise ; il prétend se faire mieux obéir sans donner d’ordres.
Car voilà le plus surprenant : les grands patrons développent une véritable aversion au risque : un « bon » manager passe son temps à ouvrir son parapluie.[access capability= »lire_inedits »]
La stratégie ? Voir le cabinet de consultants. Les comptes ? Le cabinet d’audit, le recrutement allant au cabinet éponyme. Pour lui-même, il a pensé à tout, du « golden hello » (prime de bienvenue) au « golden parachute », en passant par la retraite-chapeau.
D’EADS à Carrefour, Guillaume Bigot montre les bévues du dogmatisme managérial. Le Boston Consulting Group − sollicité par Nicolas Sarkozy en 2007 – et ses confrères ont toujours rêvé de mettre l’entreprise en équation : quel que soit le client, il suffit d’appliquer une seule et même matrice. Mais l’entreprise reste encore une affaire humaine : elle résiste à la pseudo-rationalité des cabinets de conseil.
Nourri par l’expérience, le livre de Bigot laisse espérer en la réhumanisation des entreprises.
Dommage, cependant, qu’il cède à la tentation d’essentialiser le chef, comme si la direction des hommes n’était pas un métier qui peut s’apprendre, mais une prédestination. Ni de Gaulle ni Clemenceau n’ont jamais cru qu’ils étaient nés pour diriger.[/access]
Guillaume Bigot, La trahison des chefs (Fayard).
*Photo : Be-Younger.com.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !