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Apollinaire, Français par l’encre versée

Décédé le 9 novembre 1918, ce poète lyrique et guerrier est devenu Français par les lettres


Apollinaire, Français par l’encre versée
Guillaume Apollinaire dans son appartement parisien, 1909. ©Mondadori Portfolio/Rue des Archives

Fils naturel d’une mère polonaise et d’un père inconnu, Gugliemo Alberto Wladimiro Alessandro Appolinare de Kostrowitsky est devenu français par les lettres. Rebaptisé Guillaume Apollinaire, ce poète lyrique et guerrier est mort des suites de ses blessures deux jours avant l’armistice de 1918. Cent ans après, ses rimes imprègnent toujours la culture populaire aux côtés de Rimbaud, Aragon et Prévert.


Dans Paris-Tombouctou, Paul Morand raconte qu’en 1928, alors qu’il procédait à ses ablutions matinales, en pleine savane africaine, il se rasait en récitant « La Chanson du mal-aimé » de Guillaume Apollinaire :

Un soir de demi-brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu’il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte

Morand s’avisa alors qu’Apollinaire était mort depuis dix ans et qu’il était un des rares poètes dont on pouvait encore apprendre les vers par cœur. Il ne savait pas encore, d’ailleurs, que ce poème, comme tant d’autres, serait repris par Léo Ferré ou Mouloudji et serait un succès populaire…

Je ne suis pas Morand, mais pour ma part, quatre-vingt-dix ans plus tard, quand il m’arrive de me rendre à la Maison de la radio, ou même au hasard d’une randonnée où il faut traverser un pont, spontanément, c’est la première strophe du « Pont Mirabeau » qui me revient, poème qui lui aussi a souvent été interprété par des chanteurs, y compris des chanteurs à minettes, comme Marc Lavoine :

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Apprendre un poème par cœur, à force de le relire et parce que tout un jeu de rimes, de rythmes, d’assonances, d’allitérations nous y aide, fait partie du bonheur d’être au monde : le poème le redouble, le met en perspective, l’enchante un instant… Cette question du « par cœur », cette possibilité, aussi, pour le poème de devenir une ritournelle, est plus importante qu’il n’y paraît. Après Apollinaire, il n’y aura guère qu’Aragon et Prévert pour être à leur tour des poètes qu’on entend à la radio, des poètes dont, pour paraphraser Charles Trenet, les chansons courent encore dans les rues longtemps après qu’ils ont disparu.

Certains, un peu crispés sur le caractère sacré de la poésie, vous diront qu’il s’agit d’un sacrilège ou bien, que si la poésie descend aussi facilement de son Olympe pour aller se promener sur les lèvres des jolies filles, c’est qu’elle n’était pas vraiment de la poésie. C’est pourtant tout le contraire, et Apollinaire lui-même en était convaincu, dans « Zone », par exemple : « Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut / Voilà pour la poésie et pour la prose il y a les journaux »

Cela signifie juste que sa poésie est vivante, qu’elle devient une dimension de la vie quotidienne, qu’elle peut encore sortir de la salle de classe et des cénacles universitaires pour devenir cette nymphe de ruisseau ou cette vénus de barrière dont parle Brassens, par ailleurs grand chanteur de Villon, dans « Les Amours d’antan ».

Il serait heureux qu’on voie Apollinaire imprimé sur les tee-shirts à la manière de Che Guevara

L’air de rien, Morand déplorait, en songeant à Apollinaire, la perte de cette dimension familière, comme il déplorait tout ce qui contribuait, en ce vingtième


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Novembre 2018 - Causeur #62

Article extrait du Magazine Causeur




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