Causeur n°27: Tchao Pantins!


Causeur n°27: Tchao Pantins!

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« Subversion en bande organisée » ! C’est sous ce qualificatif tordant que Philippe Muray moquait les bouffons postmodernes qui caressent l’époque dans le sens du poil. Reprenant le mot et à la chose à son compte, Elisabeth  Lévy ironise sur la descente en deuxième division des Guignols de l’Info. Pauvres petits pantins repêchés par les hommes politiques qu’ils prétendent brocarder, ces marionnettes unanimement saluées de Florian Philippot à François Hollande montrent que « les rebelles sont au pouvoir, les bouffons sont devenus rois, et on ne le voit pas », dixit notre chère directrice. L’humour France Inter et Canal+ forme la pointe avancée de cette « guignolisation des esprits » (Elisabeth Lévy) prenant pour cible des statues déboulonnées : l’Eglise catholique, Nadine Morano, les racistes, etc. Un « gloussement unique » ce que la pensée du même nom est au débat, détaille Alain Finkielkraut, dans une tribune enlevée. « Leur rire est sur les rails. Il ne dénonce rien de ce qui mérite d’être dénoncé. Il est l’ami indéfectible du désastre (…) Il accompagne docilement tous les processus en cours », écrit-il de ces amuseurs.

Pas facile de pratiquer l’humour corrosif à l’abri des facilités. Le barde génial Didier Super me certifie que la subversion se paie au prix de la marginalité : intermittent du spectacle, il canarde antifas et militants de tous bords, fussent-ils antiracistes, mais fait frémir certains directeurs de festival. « Prêt à jouer partout où il y a des pauvres cons » (et cela fait beaucoup !), le camarade Super estime qu’un Desproges aurait du mal à percer aujourd’hui tant notre seuil de tolérance à la provocation s’est abaissé. Equanime, Didier raille autant les prêtres catholiques que le Coran, la CGT que le FN, ce qui ne laisse pas de dérouter ses fans punkachiens ou skinheads ! Un poil moins bravache, le chronique radio Didier Porte assure à Pascal Bories que l’humour est ontologiquement de droite, puisqu’il consiste à tirer sur les faibles. Faire œuvre de comique de gauche relèverait donc de la gageure, surtout lorsqu’il s’agit de soutenir Mélenchon sur une radio de droite.

Vous suivez toujours ? Sans rire, Olivier Malnuit nous confesse sa passion coupable pour les sketches de Dieudonné, qu’il visionne devant son écran, avec la contrition du notable de province allant au bordel le dimanche. Le pire chez cet antisémite patenté, c’est qu’il est toujours aussi drôle, dixit son ancien complice Elie Semoun. Patrick Mandon ne peut en dire autant de Charlie Hebdo qui, toute compassion mise à part, a depuis longtemps tordu le cou à l’esprit de Hara-Kiri. Cavanna et Choron, flanqués de Cabu, Wolinski et quelques autres enchantaient la jeunesse des années 1960 et 1970, là où leurs lointains descendants se contentent de combattre un fascisme introuvable. Hélas, le seul acte de bravoure du Charlie époque Val coûta la vie à Charb et ses amis, mais il paraît qu’on ne les y reprendra plus…

Pour la rentrée, ce numéro atomique passe d’un sujet d’actualité l’autre, de l’accord sur le nucléaire iranien, que le géostratège Bruno Tertrais étrille point par point, à la situation grecque. Chacun dans leur registre, Jean-Luc Gréau et Jérôme Leroy reviennent ainsi sur le feuilleton hellène de l’été : le premier avance que l’énième plan d’aide à Athènes ne résoudra rien à la crise de l’euro, le second en vacances dans les îles a recueilli les témoignages de ses hôtes dans un carnet de bord inédit. Par entretien interposé, philosophe allemand Peter Sloterdijk leur répond que Berlin n’exerce aucune domination sur l’Europe. En amoureux de la France, cet intellectuel regrette notre tendance dépressive à « l’auto-empoisonnement », lors même que nous continuons à nous croire une grande puissance.

Niveau arrogance, le pays des trois cents fromages n’est pas en reste. La fine bouche Henri de Saint Hubert déroge à la règle de sa corporation en nous proposant une « autocritique gastronomique » fort goûtue. Dressez, le repas est prêt !

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est journaliste.

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