Les fêtes de fin d’année sont accablantes. Tout le monde en convient. Il faut manger des plats que l’on abhorre (telle la dinde aux marrons), il faut acheter aux enfants des jouets en plastique fabriqués par d’autres enfants mais chinois, il faut décorer un sapin qui perd ses plumes avec des guirlandes électriques clignotantes (voilà pourquoi Dieu a créé l’homme…), il faut faire croire aux gamins que le Père Noël existe bel et bien et qu’il est venu en Citroën AX année-modèle 1982 au centre commercial de Brou-sur-Chantereine pour se faire photographier avec les clients. C’est une période épuisante. Il faut prendre de bonnes résolutions pour l’année à venir, songer à entreprendre un régime et regarder la télévision en famille…
Ainsi donc, que faire un mardi 31 décembre devant son poste de télévision ? Quelle chaîne choisir ? TF1, la télé de maçons, propose un show animé par le promoteur immobilier Arthur appelé « Le « 31, tout est permis » avec l’élite de la France pas drôle : Gad Elmaleh, Franck Dubosc, et Michaël Youn.
De son côté, France Télévisions déploie l’artillerie légère. La chaîne des régions, France 3, croit bon de passer un Disney dont la bande doit être au bout du rouleau tant les diffusions ont été nombreuses : Les 101 Dalmatiens. Les 101 rediffusions ? Le tout suivi par un sinistre concert de Jean-Jacques Goldman. Je connais des gens qui préféreraient succomber de la peste bubonique plutôt que regarder la captation d’un concert de J-J Goldman. J’en fais partie. Le navire amiral de l’audiovisuel public, France 2, n’est pas en reste. L’agrégé de télévision Patrick Sébastien propose un divertissement boom-boom-tsouin-tsouin : « Le plus grand cabaret sur son 31 », avec Adriana Karembeu. Numéros de jonglage. Clowns moroses. Claquettes fatiguées. Elégance. On craint le pire. Et on a raison. Le pire est à craindre.
D8 diffuse un concert de Céline Dion, la chanteuse canadienne à accent difficile. France Ô propose – Dieu sait pourquoi – un « Concert de la tolérance » tourné à Agadir, au Maroc. Le dossier de presse ne dit malheureusement pas s’il convient de tolérer le régime de Rabat, et sa tendance à museler les opposants. La Chaîne Parlementaire, à 1h20 du matin, diffuse la « retransmission quotidienne des séances publiques de l’Assemblée.» Et ce, jusqu’à 3 heures. Voilà pour les dépressifs.
Pour les esthètes, la chaîne Paris Première propose une soirée de réveillon savoureuse, pittoresque et prestigieuse autour de Bertrand Burgalat et Benoît Forgeard et leur désormais légendaire « Ben & Bertie Show ». Après l’Année bisexuelle, et Ceux de Port Alpha, les deux énergumènes reviennent à la charge avec L’homme à la chemise de cuir.
Une nouvelle aventure rétro-futuriste, chic, branchée, délectable, sur le thème de la mode cette fois-ci, à mi-chemin entre les émissions de divertissement des années 70 (Il y a du Gilbert & Maritie Carpentier, et du Jean-Christophe Averty dedans) et l’ambition de renouveler habilement les « variétés » à la télévision, gangrenées par la religion universelle de la fadeur, le playback et la nullité abyssale des artistes mis en avant. La première ambition du « Ben & Bertie Show » est de mettre la lumière sur des musiciens singuliers. En conséquence Bertrand Burgalat – fondateur du label Tricatel – a concocté un cocktail étonnant, depuis le monumental Jean-Jacques Debout (qui a écrit la chanson Pour moi la vie va commencer pour Johnny à l’âge d’or du Gaullisme, excusez du peu), jusqu’aux espiègles archets classiques du décalé Ensemble Découvrir, en passant par les ovnis musicaux d’Exotica ou Marvin. Ici et là. De ci delà, do ré mi fa sol la… la Police de la mode est sur le qui-vive. La brigade du style. L’énigmatique et imaginaire créateur de mode Jean-Loup Ji-Cé (promoteur de la chaussure végétale, du sous-pull animé et du pantalon à une jambe – dont le nom n’est pas sans faire songer à Jean-Claude Jitrois et Christian Audigier…) disparaît sans crier gare. Les deux compères de la police de la mode, Ben & Bertie, fins limiers et esthètes dandys, partent en chasse et sont contraints d’infiltrer le milieu du mauvais goût… Celui des pulls noués sur les hanches et des bonnets péruviens. Car le principal suspect porte… une infâme chemise de cuir…
Un bonheur n’arrivant jamais seul, après cette réjouissante émission inédite, le voyage au royaume farfelu se poursuit avec la rediffusion – toujours sur Paris Première – des précédents shows de Ben & Bertie. Au bout du tunnel ? 2014 évidemment…
2014 ? Encore une année à tirer…
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