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Maccabi-Ajax: à Amsterdam, on refait le match

Gueule de bois


Maccabi-Ajax: à Amsterdam, on refait le match
Le Premier ministre néerlandais Dick Schoof tient une conférence de presse à la résidence Catshuis à la Haye, aux Pays-Bas, le vendredi 15 novembre 2024, évoquant les pourparlers de crise après l'évaluation controversée du gouvernement concernant les violences de la semaine dernière avant et après le match de football entre l'Ajax Amsterdam et Maccabi Tel-Aviv © Phil Nijhuis/AP/SIPA

Après les attaques de supporters juifs en marge d’un match de foot entre l’Ajax et Tel-Aviv le 6 novembre, la peur aurait changé de camp dans la capitale hollandaise, apprend-on. En tout cas, les langues se délient concernant les difficultés liées à l’intégration des immigrés.


Les émeutes anti-juives d’Amsterdam ont failli avoir raison du gouvernement de droite néerlandais. Vendredi 15 novembre, une secrétaire d’État d’origine marocaine avait démissionné, pestant contre le « racisme » au sein du… Conseil des ministres. Ébranlée, la coalition quadripartite reste debout, pour le moment.

Peurs sur la ville

Après les attaques en règle contre les supporteurs israéliens, Amsterdam, réduit de la gauche dans un pays dominé par la droite dure, en prend pour son grade. Le désordre y régnerait, la racaille issue de l’immigration serait libre d’y faire la chasse aux Juifs, selon M. Geert Wilders, considéré par ses fans comme le Premier ministre fantôme des Pays-Bas. A l’en croire, les Juifs de la capitale ont peur de sortir de chez eux depuis les « pogroms » contre des supporteurs de l’équipe de football du Maccabi Tel-Aviv le 6 et 7 novembre.

Ce n’est pas faux. Le coordinateur national de la lutte contre l’antisémitisme, M. Eddo Verdoner, a dit connaître des Amstellodamois israélites qui n’osent plus commander une pizza ou un taxi par téléphone, craignant que leur nom n’éveille la haine antisémite chez le livreur ou le chauffeur. Qui, ce que M. Verdoner ne dit pas dans son interview au journal Het Parool, sont souvent d’origine arabe.

Crainte de « déportations » ?

Si, immédiatement après les scènes de violence, l’attention des médias et du gouvernement du Premier ministre M. Dick Schoof se fixait sur les horreurs antisémites, ils mirent quelques jours à se rendre compte que la population immigrée d’origine arabe avait peur, elle aussi.

« Jamais je me suis sentie aussi peu en sécurité dans la ville où je suis née et où j’ai grandi » confia une professeure d’école d’origine marocaine au site d’information De Kanttekening, Une observation qui a beaucoup plu à l’élite intellectuelle issue de l’immigration, en grande partie marocaine surtout. Un professeur d’université, « Marocain » lui aussi, a accusé le gouvernement de La Haye d’utiliser les horreurs autour du match pour instaurer « une sorte d’apartheid » et de préparer des « déportations ». Des mères de famille dans des quartiers « islamisés », tentèrent de dissuader leurs filles de se rendre au centre-ville de peur que des « fachos » ne leur arrachent leur voile.

Voilà l’ambiance de gueule de bois dans la ville, suite au « cocktail vénéneux d’antisémitisme, de hooliganisme et de colère concernant la guerre à Gaza et en Palestine ». La maire de gauche de la capitale, Mme Femke Halsema, remplie de honte, s’exprima ainsi dans un résumé plutôt de bon sens1. Mais comme Mme Halsema est la tête de Turc woke préférée de M. Wilders, celui-ci, l’accusant de ne pas avoir protégé les Juifs de sa ville, exigea sa démission. Et profita de l’état de sidération local et national pour faire le procès de l’immigration arabe en général.

Le Premier ministre M. Schoof lui emboîta le pas, arguant que le drame avait démontré « l’échec de l’intégration », un ministre fustigeât des jeunes « parlant avec un accent marocain ». Et M. Schoof, ancien chef de services de sécurité, accepta avec bienveillance la suggestion de M. Wilders de déchoir les coupables des « razzias » de la nationalité néerlandaise. Mme Dilan Yesilgöz, du parti libéral et gouvernemental VVD, fille de demandeurs d’asile turco-kurdes, proposa la fermeture d’écoles du dimanche islamiques, ou les élèves apprendraient « qu’Hitler n’avait malheureusement pas pu terminer son travail ».

Les musulmans de la capitale, environ 12% des quelque 900.000 habitants, souffrant d’une piètre réputation, ont d’abord courbé l’échine. Pour mieux se rebiffer ensuite. Surtout, les « Marocains » se savent mal aimés, on leur jette constamment leur manque d’intégration à la figure ; à peine quelque 12% d’entre eux se marient en dehors de leur communauté, selon le Bureau Central pour la Statistique.

Provocations des supporters israéliens

Ce n’est que plusieurs jours après les affrontements, que les médias néerlandais durent admettre que, la veille du match, le noyau dur des supporters de Maccabi avait arraché et brûlé des drapeaux palestiniens, passé à tabac un chauffeur de taxi et scandé des slogans comme « Fuck the Arabs ». Bref, un comportement hooliganesque normal. Mais dans le contexte des guerres de Gaza et du Liban, qui bouleversent la minorité musulmane de la capitale néerlandaise, agacée par le soutien de La Haye à Israël, c’étaient là des provocations de trop. Un chroniqueur du journal NRC, sans être tendre avec « les Marocains », croit savoir que le noyau dur de Maccabi consiste « en des nationalistes purs et durs, de racistes anti-Arabes ». Si tant est que ce soit vrai, ces « affreux », se déplaçant en rangs serrés dans le centre-ville, n’avaient rien à craindre des commandos mobiles des jeunes des cités, qui ciblèrent surtout des supporters juifs isolés, parfois accompagnés d’enfants, retournant à leur hôtel après le match.

L’homme de théâtre Jair Sanders, philosophe et membre de la Communauté Libérale Juive d’Amsterdam a déclaré de son côté à propos des hooligans de Maccabi: « Ils se sont sûrement rendus coupables de provocations, de gueuler des slogans racistes. Il est normal que cela mette des gens en colère, mais cela ne justifie en rien la chasse aux Juifs, d’exiger de passants qu’ils montrent leur papiers pour prouver qu’ils ne sont pas Israéliens, de les passer à tabac s’ils le sont. »

Séquelles

L’Holocauste reste un traumatisme pour Amsterdam, et le fait de réclamer leurs papiers aux Juifs rappelle évidemment les heures les plus sombres de l’Occupation. Avant la guerre, Amsterdam comptait quelque 80000 Juifs, seuls quelque 20000  survécurent. Actuellement, la capitale, connue de tous sous le nom yiddish de Mokum, en compte quelque 15000.

Les séquelles du match maudit menacent le vivre-ensemble précaire entre les deux communautés. Ces jours-ci, la maire court d’une réunion à une autre entre les représentants des uns et des autres, jetant au passage l’opprobre sur Geert Wilders, accusé de souffler sur les braises. Ce qui donne un sentiment désagréable de déjà vu: depuis au moins 2004, année où le cinéaste Theo van Gogh fut assassiné par un islamiste amstellodamois d’origine marocaine, des tensions planent sur la ville.

Cette fois-ci, cependant, l’antisémitisme s’en est mêlé. En plus, le pays est dirigé par la coalition gouvernementale la plus à droite jamais connue. Si M. Wilders, simple député, ne le dirige pas, son Parti pour la Liberté, grand vainqueur des élections législatives de l’année dernière, y donne le ton. Et pour la première fois, un Premier ministre semble partager en partie ses vues sur les effets néfastes de l’immigration non-occidentale, qui aurait directement conduit à ces « razzias » dans une ville où les Néerlandais de souche ont été grand-remplacés par l’immigration non-occidentale.

Si l’on accepte que l’intégration a échoué, comme l’affirme M. Schoof (sans étiquette) et que les musulmans, « Marocains » surtout, prédominent dans toutes les statistiques indésirables, criminalité en tête, ils disposent aussi d’une élite. Des modèles d’intégration tels l’ex-maire de Rotterdam. M. Ahmed Aboutaleb, des écrivains, des sportifs et des artistes de talent.

Cependant, les horreurs dans la froide nuit amstellodamoise, après que l’équipe réputée israélophile de l’Ajax eut écrasé Maccabi (5-0), dévoilèrent cruellement les limites de leur intégration. Sans faire cause commune avec les commandos anti-Juifs, des intellectuels d’origine immigrée, souvent nés aux Pays-Bas, déplorèrent le manque d’empathie de ceux qui les gouvernent avec les souffrances des Palestiniens. Tout comme le racisme décomplexé envers « leurs » jeunes.

Et coup d’éclat : vendredi 15 novembre, la Secrétaire d’Etat aux Finances Nora Achahbar, née il y a 42 ans au Maroc, démissionna suite aux « propos racistes » tenus… pendant le Conseil des ministres ! Selon des rumeurs, non confirmées par l’intéressée, un(e) collègue aurait parlé de « Marocains de m…. », et un(e) autre croyait savoir que l’antisémitisme faisait partie de l’ADN de « ces gens-là ». Difficile pourtant de trouver « Marocaine » mieux intégrée que Mme Achahbar, dont le brusque départ a plongé le gouvernement dans une crise. M. Schoof a réussi à rabibocher sa coalition, arrivée au pouvoir l’été dernier, mais pour combien de temps encore?

Reste que peu de temps avant la démission de la secrétaire d’Etat, le programme Avis de Recherche montrait encore à la télévision des jeunes suspectés d’avoir participé aux violences anti-juives. Ce n’était sûrement pas des Suédois !


  1. Depuis, l’édile est revenue sur ses propos initiaux, regrettant notamment l’emploi du terme « pogrom » NDLR ↩︎




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Journaliste hollandais.

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