Nos députés votent mardi sur l’accord de sécurité entre Paris et Kiev. Il ne suffit pas de dire, comme Bernard Guetta, « Poutine est stupide ».
La Russie n’aurait pas dû envahir l’Ukraine, la cause est entendue. Mais comment en est-on arrivé là ? De nombreux diplomates et d’anciens ministres considèrent que les pays occidentaux, les États-Unis en premier lieu, ont joué, durant ces trois dernières décennies, une partition géopolitique navrante vis-à-vis des dirigeants et du peuple russes qui se sont sentis humiliés par des États pensant les avoir réduits à faire de la figuration sur la scène internationale après la chute de l’empire soviétique. On l’a oublié mais, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, Boris Eltsine (en 1994) puis Vladimir Poutine (en 2000) évoquèrent avec le président américain Bill Clinton la possibilité d’une adhésion de la Russie à l’OTAN. Tergiversations, barrage des pays de l’ex-bloc soviétique eux-mêmes demandeurs de la protection américaine et craignant un impérialisme new-look de la Russie, soupçons des pays de l’Europe de l’Ouest – selon l’historien britannique d’origine russe Sergey Radchenko, « en étant trop réaliste et pas assez idéaliste à un moment où il aurait pu faire une différence, Bill Clinton a peut-être contribué à faire de la résurgence impérialiste de la Russie une prophétie autoréalisatrice ».
L’Europe s’américanise d’un côté et s’islamise de l’autre
Nous sommes en 2021. Seize ans après un nouvel agrandissement de la zone d’influence américaine en Europe de l’Est (entrée dans l’OTAN de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie), se souvenant que les Américains avaient déjà proposé en 2008 l’intégration de la Géorgie et de l’Ukraine dans l’OTAN et que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s’étaient opposés à cette idée en promettant toutefois d’y revenir plus tard, Vladimir Poutine s’enquiert auprès des diplomaties occidentales sur la relance d’un projet d’intégration de l’Ukraine à l’OTAN, ce qui serait pour lui un casus belli. Sur France Culture, lors de l’émission Répliques du 2 mars, Pierre Lellouche, ex-président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, a rappelé comment la Russie avait officiellement demandé à la mi-décembre 2021 que soit entérinée, en échange du maintien de la souveraineté ukrainienne et de l’ouverture de négociations pour sortir de la crise du Donbass, la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Américains et Européens décident alors d’humilier les Russes en ignorant purement et simplement leur requête, en n’y répondant pas et en laissant planer le doute. Hubert Védrine parlera d’une « provocation dangereuse ». Le 24 février 2022, les troupes russes pénètrent
