Le premier des trois inédits de Céline, Guerre, est publié chez Gallimard — et c’est un bonheur de lire enfin de la vraie littérature.
Ce qui distingue la vraie littérature du prêt-à-consommer / prêt-à-jeter empilés sur les tréteaux des libraires, c’est qu’une première lecture linéaire n’épuise pas le texte. Bien au contraire : derrière chaque ligne, chaque page de Flaubert, Proust ou Céline, le lecteur attentif flaire une autre ligne, une autre page, un sous-texte qui est, selon les cas, l’amont ou l’aval du texte imprimé, et parfois les deux à la fois.
Guerre est l’amont du Voyage — cette histoire de soldat convalescent pourrait être un chapitre supprimé, ou sous-entendu, des démêlés de Ferdinand avec 14-18. Mais c’est l’aval de Mort à crédit, ou de Casse-pipe, ou Guignol’s band. Aval et amont en même temps. Rejeton et matrice.
Et c’est la base de ce « métro émotif » dont il fera la théorie dans ses Entretiens avec le professeur Y en 1955 : non pas un style oral où l’on entend « oral » sans penser au « style » et à cet immense effort que demande le rendu, à l’écrit, d’une langue réinventée pour dire l’horreur ramenée au niveau des cloportes que nous sommes — Ferdinand et nous.
Bras en marmelade et tête explosée
La langue de Guerre est un bruit énorme, ce « boucan qui défonçait la tête, l’intérieur comme un train. » Le voilà, le métro brinquebalant d’émotions (pensez à ce que fut le métro parisien, ferraille sans cesse à deux doigts de se désintégrer, jusqu’à l’orée des années 1980), le bruit énorme de l’obus qui a anéanti toute une escouade — sauf le narrateur, qui a tout de même le bras en
