Les adversaires de l’accord bilatéral entre Paris et Kiev estiment que nous ne devons pas mourir pour l’Ukraine. Leur principal argument consiste à dire que c’est l’OTAN – dans laquelle la France est engagée – qui a provoqué les Russes. C’est tout à fait inexact, rappelle Gil Mihaely, qui estime qu’il faut soutenir l’Ukraine pour ne pas avoir à subir demain d’autres crises encore plus proches de nous.
L’accord bilatéral de sécurité entre Paris et Kiev, signé par Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky le 16 février à l’Elysée, a fait l’objet d’un débat et d’un vote à l’Assemblée nationale, hier. Il comprend un renforcement de la coopération militaire entre nos deux nations, notamment concernant l’artillerie et l’aérien, et court sur 10 ans.
Alors qu’ils accusent le président Macron d’utiliser la question ukrainienne dans un but électoraliste en vue des européennes de juin, les députés de l’opposition « Insoumis » ont voté contre, et le RN s’est abstenu. La France octroie 3 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine en 2024, une somme que certains dans l’opposition estiment déraisonnable. Quant au rôle passé de l’OTAN vis-à-vis de la Russie, il est sans cesse décrié.
Dans un article publié ici même, notre ami Didier Desrimais expose une vision très problématique des origines de la guerre ukrainienne : « les États-Unis en premier lieu, ont joué, durant ces trois dernières décennies, une partition géopolitique navrante vis-à-vis des dirigeants et du peuple russes qui se sont sentis humiliés par des États pensant les avoir réduits à faire de la figuration sur la scène internationale après la chute de l’empire soviétique ». Il s’agit essentiellement de l’élargissement de l’OTAN vers l’Est de l’Europe pour inclure des anciennes RSS (les trois Républiques baltes) ainsi que d’anciens membres de l’alliance de Varsovie. Les arguments avancés s’appuient sur des interprétations des différents échanges et négociations entre Américains (et Occidentaux) et Russes. Deux exemples : « Sur France Culture, lors de l’émission Répliques du 2 mars, Pierre Lellouche, ex-président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, a rappelé comment la Russie avait officiellement demandé à la mi-décembre 2021 que soit entérinée, en échange du maintien de la souveraineté ukrainienne et de l’ouverture de négociations pour sortir de la crise du Donbass, la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Américains et Européens décident alors d’humilier les Russes en ignorant purement et simplement leur requête, en n’y répondant pas et en laissant planer le doute. Hubert Védrine parlera d’une ‘provocation dangereuse’. Le 24 février 2022, les troupes russes pénètrent en Ukraine ». Tout d’abord ces faits ne sont que des bruits de couloir diplomatiques présentés comme la vérité révélée. En revanche, il est quasiment certain, bien avant mi-décembre 2021, que la Russie se prépare à envahir l’Ukraine. C’est pour cette raison que le chef de la CIA a été envoyé à Moscou début novembre 2021 pour en parler directement avec Poutine. La visite et son objectif sont des faits. Quant à la motivation de l’invasion, Poutine lui-même l’avait expliquée dans un article qu’il a publié le 12 juillet 2021 sur le site du gouvernement russe. Dans l’essai titré De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens, Poutine remet en question l’existence même de l’Ukraine en tant que nation distincte et soutient que son gouvernement actuel est contrôlé par les Occidentaux. Il ne met pas en avant la question des alliances et oublie complètement l’instance de sa diplomatie concernant le respect de la souveraineté des Etats et son opposition au droit d’ingérence évoqué dans les années 1990 et 2000 pour justifier des intentions militaires dans les Balkans ou en Syrie. Quant à la demande de s’engager à ce que l’Ukraine n’intègre pas l’OTAN, cet engagement a déjà été donné à Poutine en 2008-2009 par les Français et les Allemands après la crise géorgienne. En 2009 le projet de bouclier antimissile, décrié par la Russie, a été abandonné par les Etats-Unis. En 2009 également, l’administration Obama avait annoncé son virage vers l’Indopacifique (pour contrer la Chine) aux dépens de l’Alliance atlantique. Ces annonces ont été accompagnées de faits : après le démantèlement du pacte de Varsovie, le nombre de soldats américains a chuté de 300 000 à 100 000 en 1995, et 63000 à partir de 2008. La présence de troupes otaniennes dans les trois Républiques baltes à la fin des années 2020 était de quelques 3000 hommes (1000 pour chaque pays) seulement. Quant au matériel, le tableau est identique : en 1989, il y avait 5 000 chars de l’armée américaine en Allemagne. Au cours des 25 années suivantes, les forces américaines en Europe ont été progressivement réduites. En 2013, la dernière brigade blindée américaine basée en Allemagne a été fermée, ne laissant plus un seul char de l’armée américaine sur le sol européen.
Quand Chirac voyait l’OTAN comme une clé de la stabilité avec la Russie
Un autre point contentieux souvent évoqué est le projet de boucliers antimissiles balistiques. L’idée surgit en 2002 et consiste à déployer sur le sol européen, notamment en Pologne, des éléments permettant de détecter et intercepter des missiles lancés à partir de l’Iran. Après sept ans de débats et face à une opposition russe soutenue par la France et l’Allemagne, le président Obama a décidé en 2009 d’abandonner le projet. La crise et la guerre en Géorgie pendant l’été 2008 ont abouti à un engagement franco-allemand d’arrêter l’élargissement de l’OTAN.
Pour ce qui concerne l’aide militaire à l’Ukraine, les informations publiées par le Congrès des Etats-Unis dressent le même tableau. En 2016 la valeur de l’aide (matériel et entraînement) s’est élevée à 310 millions de dollars, en 2017 à 250 M$, en 2018 à 290 M$, en 2019 à 230 M$, en 2020 à 370M$, et en 2021, dernière année avant l’invasion, à 390 M$. Pour pouvoir contextualiser ces chiffres, en 2023, une année pleine de guerre et d’aide américaine, la valeur de celle-ci s’est élevée à 12,6 Milliards $. Ces données sont claires : les Etats-Unis n’ont pas été engagés dans un effort massif et urgent de transformer l’armée ukrainienne. Il s’agissait essentiellement de la formation des troupes d’élite et des missiles antichar portatifs Javelin. L’envoi de pièces d’artillerie a été annoncé six semaines après l’invasion.
Comme il a été bien annoncé au président ukrainien le 19 février 2022, pendant la 58eme conférence sur la sécurité de Munich, Washington et l’OTAN estimaient, comme Poutine, que la Russie allait battre l’Ukraine et la soumettre et qu’ils n’avaient pas l’intention d’intervenir pour l’empêcher. C’est l’échec russe et le succès ukrainien qui ont changé la donne.
Le tableau est donc clair : si un certain nombre d’initiatives, de mesures et de déclarations auraient pu légitimement inquiéter les Russes, rien, strictement rien sur le terrain ne pouvait soutenir l’hypothèse qu’une alliance militaire puissante était en train de les encercler. Au contraire, les Américains retiraient leurs hommes et leurs équipements lourds ; les différents pays membres de l’OTAN négligeaient sérieusement leurs armées. La France, par exemple, a mis fin à la conscription et avait consciemment laissé dépérir ses capacités à mener une guerre conventionnelle de grande intensité. L’armée britannique n’a cessé de diminuer ainsi que celle de l’Allemagne. En fait, aux yeux de nombreux leaders européens, l’OTAN était devenue une structure essentiellement politique. Ce fut le cas d’un certain Jacques Chirac. Dans une conférence en 19971, Pascal Boniface rappelle qu’en décembre 1995, avant le retour de la France au Comité militaire de l’OTAN, Chirac avait déclaré qu’il était « évident que l’OTAN [devait] s’élargir vers l’Est ». Mais, il avait ajouté que « nous devions veiller à conclure avec les Russes un accord qui permette cet engagement sans les menacer ni les humilier ».
Et effectivement Chirac a tenu parole. Quelques jours plus tard, lors d’une rencontre avec le Premier ministre russe Viktor Tchernomyrdine, le président français aurait décrit « l’élargissement progressif » de l’OTAN comme « une clé de la stabilité en Europe » dont l’architecture de sécurité devait reposer, comme auparavant, sur… « l’Alliance atlantique, le pilier européen et la Russie ». En septembre 1996, dans un discours devant le parlement polonais, Chirac réitère son souhait de voir la Pologne entrer dans l’OTAN et promet son aide pour une entrée dans l’Union européenne dès l’an 2000. Quelques mois plus tard, en janvier 1997, Chirac livre un vibrant plaidoyer pour l’adhésion de la Hongrie à l’UE mais aussi à une OTAN « rénovée et élargie, facteur essentiel de la nouvelle architecture de sécurité européenne ». Et ce n’est pas fini ! En février 1997, Chirac affirme sa conviction que la Roumanie ferait partie de la première vague d’entrants dans l’OTAN, malgré – tenez-vous bien – …« l’obstacle américain » ! « La France sera l’avocate de la Roumanie », va-t-il promettre lors d’une visite d’Etat à Bucarest. Oui. Les Américains n’en voulaient pas ! Mais Chirac, avec le feu vert des Russes, voulait alors élargir encore l’OTAN, pour diluer l’influence américaine et pour créer un espace de manœuvre élargi pour la France. Chirac ne cache pas sa logique. Lors d’une visite en République tchèque en avril 1997, il explique au président Vaclav Havel que « l’Alliance est une priorité qui facilitera l’adhésion à l’UE et que l’entrée dans l’OTAN sera donc prioritaire par rapport à l’entrée dans l’Union ». Quelques semaines plus tard, en mai 1997, lors de la visite en France du président bulgare, Chirac déclare que la France « soutiendra activement l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne autant que son entrée dans l’OTAN ». UE/OTAN – dans l’esprit de Chirac – et très probablement des Russes avec lesquels il est en contact permanent pour vérifier que sa politique d’élargissement ne leurs pose pas de problème – c’est presque la même chose car l’Alliance atlantique est en train de perdre son objectif militaire. Selon Boniface, la France de Chirac « est passée d’une position de réticence à l’égard de l’élargissement à une position de soutien total à une expansion qui ne serait limitée ni par la préférence américaine pour la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, ni par le désir de l’Allemagne de s’arrêter avec ses voisins. Les responsables français ayant rejeté la nécessité de définir les limites de l’élargissement à ce stade, l’accent a été mis sur l’article 10 du traité de Washington, qui invite ‘tout autre État européen capable d’aider au développement des principes du présent traité et de contribuer à la sécurité de la région de l’Atlantique Nord’ – une définition qui pourrait potentiellement s’appliquer à tous les candidats potentiels à l’adhésion à l’OTAN ».
Non seulement Clinton n’a pas un plan antirusse, mais dans le contexte de la fin des années 1990, parmi ceux qui dirigeaient l’Europe, les Etats-Unis et la Russie, l’OTAN, sans changer de nom, était en train de changer de sens. Et ce sont Chirac, Charrette et probablement Villepin qui sont à la manœuvre.
C’est Poutine qui refuse la négociation !
Enfin il y a l’histoire des négociations de paix entre Ukrainiens et Russes dans les jours et les semaines après l’invasion russe.
Et voici la version russe présentée dans le texte de Didier Desrimais : « Un mois après le début des hostilités, alors que Volodomyr Zelensky se dit prêt à négocier directement avec Vladimir Poutine, le petit télégraphiste de Washington, Boris Johnson, se rend à Kiev pour demander au président ukrainien de ne rien négocier du tout, l’assurant du soutien inconditionnel, en armes et en argent, des Américains et des Britanniques. Dès le début, les Américains voient dans ce conflit un moyen radical pour séparer l’Europe occidentale, surtout l’Allemagne, de la Russie ». Le problème avec ce paragraphe est qu’au mieux c’est une interprétation, une hypothèse et non pas, comme les choses présentées, un fait du même ordre que le retrait de tous les chars américains du sol européen. Ainsi, selon une information publiée par l’agence Reuters, l’homme politique russe Dmitri Kozak (un proche de Poutine basé à Saint Pétersbourg, ancien ministre et vice Premier ministre jusqu’en 2020, et ensuite haut fonctionnaire au Kremlin) a un avis complétement différent de cette affaire. En septembre 2022, Kozak (né dans la RSS d’Ukraine) déclare que « au début de la guerre, [il] avait conclu un accord provisoire avec Kiev qui satisferait la demande de la Russie que l’Ukraine reste en dehors de l’OTAN. Il l’avait dit à Poutine mais ce dernier a rejeté l’accord ». Kozak pensait que l’accord qu’il avait conclu éliminait la nécessité pour la Russie de poursuivre la guerre et l’occupation à grande échelle de l’Ukraine. Ainsi, bien que Poutine ait soutenu les négociations auparavant, le président russe a clairement fait savoir à Kozak, que les concessions négociées par lui n’allaient pas assez loin et qu’il avait élargi ses objectifs pour y inclure l’annexion de pans entiers du territoire ukrainien. Résultat : l’accord a été abandonné. Cette version a été corroborée par des informations publiées fin mars 2022 selon lesquelles, lors des pourparlers avec la Russie en Turquie, l’Ukraine aurait proposé d’adopter un statut de neutralité en échange de garanties de sécurité, ce qui signifie qu’elle ne rejoindrait pas d’alliances militaires et n’accueillerait pas de bases militaires. Les Ukrainiens proposaient également une période de consultation de 15 ans sur le statut de la Crimée annexée. Le négociateur ukrainien, Oleksander Chaly, a déclaré que si l’Ukraine parvenait « à consolider ces dispositions clés, qui sont pour nous les plus fondamentales, l’Ukraine serait en mesure de fixer son statut actuel d’État non membre d’un bloc et non nucléaire sous la forme d’une neutralité permanente ».
Pour mieux comprendre le contexte, arrêtons-nous sur le calendrier des négociations entre les deux parties. Pendant les premières heures de l’invasion, la partie russe a proclamé qu’elle était toujours « disposée à discuter ». Cependant, ses conditions pour mettre fin à la guerre équivalaient à une capitulation totale et à la dissolution de l’État ukrainien avec les fameuses « dé-nazification » et « démilitarisation ». En d’autres termes, l’Ukraine devait changer de régime selon le goût de Moscou ! Kiev a refusé, conditionnant les pourparlers à un cessez-le-feu. Zelensky a ensuite demandé à Poutine d’accepter des pourparlers directs immédiats. Finalement, la partie ukrainienne a accepté d’envoyer une délégation à Gomel, en Biélorussie, le 28 février. D’autres réunions ont eu lieu, les 3 et 7 mars. Par la suite, les pourparlers se sont poursuivis en ligne. Le 10 mars, les deux ministres des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba et Sergueï Lavrov, se sont rencontrés à Ankara. Le 29 mars, les délégations se sont retrouvées à Istanbul et la partie ukrainienne y a présenté le « communiqué d’Istanbul », un plan en dix points pour un cessez-le-feu, avec l’engagement d’une neutralité ukrainienne permanente. Les points de désaccord restants devaient être résolus lors d’une réunion du Conseil de l’Europe au cours d’une rencontre entre les deux présidents. Ce texte par ailleurs n’inclut pas la demande ukrainienne d’un retrait des forces russes derrière la ligne de contact à compter du 23 février 2022. Des participants aux pourparlers ont souligné – corroborant ainsi les propos attribués à Dmitry Kozak – que les dix points avaient fait l’objet d’un accord préalable entre les parties et qu’il aurait pu constituer la base d’un règlement négocié. Autrement dit, les négociateurs ont réussi et un accord a été rédigé. Il ne restait que le feu vert de Poutine. Or, au lendemain de la réunion d’Istanbul (le 30 mars), le Kremlin a catégoriquement rejeté le document et effectivement, le lendemain, lors d’un appel téléphonique avec le Premier ministre italien Mario Draghi, Poutine a déclaré que les conditions d’un cessez-le-feu en Ukraine n’étaient pas encore réunies. La première visite de Boris Johnson à Kiev a eu lieu une semaine plus tard, le 7 avril, quand les négociations avaient donc déjà échoué par la volonté de Poutine. Pas de « télégraphiste » donc, mais plutôt un dirigeant russe qui aurait utilisé les négociations pour semer la confusion chez ses adversaires et gagner du temps pour son armée qui était en train de redéployer ses forces et se remettre de l’échec de la première phase de l’opération spéciale. Et bien sûr, on peut supposer qu’en ce début de printemps 2022, Poutine ne voulait pas arrêter l’opération et rester sur un échec, ce qui aurait constitué un risque politique important pour lui.
L’OTAN – qui dans les années 2000-2010 est une structure moribonde composée de pays en déclin militaire et incapables de menacer la Russie – et la neutralité ukrainienne ne sont donc qu’un prétexte.
L’objectif était et reste toujours la transformation de l’Ukraine en Biélorussie, version XXIe siècle d’une RSS. Derrière cet objectif, il y a une idée : les Empires ont un « droit de glacis », et les voisins des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie doivent se soumettre. Autrement dit, contrairement à l’Espagne, l’Ukraine n’est pas libre de choisir son camp et de décider de sa défense nationale. Ce principe est bien évidement fondé sur le rapport de force et ne définit pas quel niveau de soumission est acceptable. Ainsi en 1940, la Finlande a négocié par les armes une soumission plus douce que les pays du sud Caucase en 1920 ou le bloc soviétique après 1945. Et si les Finlandais l’ont fait, c’est parce que les Russes (rouges, blancs ou noirs) ont un point aveugle : le sentiment national des autres. Comme les Tzars, Lénine et Staline, pour Poutine les peuples n’existent pas, ce ne sont que des manipulations des services secrets. Le Printemps arabe ? Un coup monté par la CIA et George Soros. Maïdan ? Victoria Nuland, bien sûr ! Et enfin, l’Ukraine : ce n’est qu’une province russe et les Ukrainiens une sorte de Berrichons qui ne connaissent pas leur place… Or, contrairement à ce que croit Poutine, ce n’est pas un débat d’historiens ou d’anthropologues, et le problème n’est pas de prouver que l’Ukraine n’existe pas. L’Ukraine existe car 31 000 Ukrainiens sont morts sur les champs de bataille au nord, au sud et à l’ouest de leur pays. Comme les Finlandais ils ne veulent pas se soumettre à la Russie. Ils sont prêts à des compromis à définir et l’ont démontré pendant les négociations en 2022. Or, les Russes qui se sont déjà lourdement trompés en 1945 – le glacis créé par Staline contre la volonté des petites nations s’est écroulé 45 ans plus tard- persistent, contre le sage conseil de Talleyrand, à s’assoir sur des baïonnettes.
Et en quoi tout cela nous regarde ? C’est assez simple. Notre défense nationale s’appuie sur deux principaux piliers : le premier est composé du nucléaire et de nos armées, le deuxième de nos alliances. Or, notre principale alliance, l’OTAN, est composée entre autres, des pays baltes, de la Pologne, de la Tchéquie, de la Roumanie et de quelques autres. Et le problème est que la guerre en Ukraine apporte des éléments très convaincants démontrant que Poutine souhaite retrouver l’entiéreité du fameux glacis de l’URSS, aux dépens des alliés que nous avons librement choisis pour notre propre sécurité. L’hypothèse prudente et responsable est donc de penser que Poutine, une fois l’Ukraine « bielorussifiée », déstabiliserait la Roumanie (par la Moldovie et la Transnistrie), les pays baltes par leurs minorités russophones et la Pologne par tous les moyens possibles. Dans ce sens, la demande russe à ce que l’OTAN retrouve son périmètre de 1997 – date de l’invitation de la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie à rejoindre l’Alliance – n’a rien de rassurant quant à l’avenir des anciens « malgré-nous » du pacte de Varsovie.
Poutine a commis une erreur. Il a donné des éléments suffisants pour dévoiler ses véritables objectifs en lançant le 24 février 2022 ce qui devait être un coup de maître. Et il a aussitôt après raté son affaire et nous a donné le temps et l’opportunité de relever le défi dans des circonstances qu’il n’a pas choisies et avec, à nos côtés, un peuple ukrainien prêt à se battre. Si nous faisons confiance à Poutine, nous risquons, si nous commettons une erreur de jugement, de nous retrouver sans les Ukrainiens face à une Russie victorieuse qui choisira les conditions des prochaines crises.
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