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Guerre de Sécession, le retour

"Civil War", d’Alex Garland, en salles mercredi prochain, assez abject


Guerre de Sécession, le retour
Kirsten Dunst, "Civil War" (2024) d'Alex Garland © Metropolitan Films

Voilà que la Metropolitan nous rejoue la Guerre de Sécession ! Attention gore !


En quels temps troublés sommes-nous plongés, au cœur de cette dystopie illusoirement contemporaine ? Comme, par sa platitude littérale, son titre le laisse augurer, la guerre civile fait rage, en effet : les États-Unis d’Amérique sont à feu et à sang ; New-York est détruite, les incendies se propagent un peu partout ; l’armée fédérale, sur les dents, tente de contenir l’avancée des dites « Forces de l’Ouest » (pourquoi pas ?), en rébellion contre le gouvernement central tandis que, dans Washington en état de siège, un président cumulard (il en est à son troisième mandat, apprend-on incidemment) semble s’accrocher à son poste vacillant : cerné, mais protégé par sa garde rapprochée.

Dystopie « à l’ancienne », car pas d’Iphones ni d’écrans tactiles qui s’allument, pas de drones qui vibrionnent dans le ciel, mais des légions de chars, des hélicos à foison, des fantassins en tenue de camouflage qui s’égaillent sous la mitraille, les explosions et les fumerolles, façon Apocalypse Now au Viet-US.

Lee (Kirsten Dunst), vieille gloire de l’agence Magma et photographe de guerre en fin de carrière, a la carapace de qui en a vu d’autres. Jessie (Cailee Spaeny) toute jeune groupie en mal d’expérience, se débrouille pour intégrer, sous la protection de son mentor, la petite équipe intergénérationnelle de courageux journalistes des deux sexes (mais sans parité). Laquelle équipe, à bord d’un van dûment estampillé « PRESSE », s’engage dans un périple de plusieurs milliers de km à travers le chaos ambiant, direction Washington D.C. Dans quel but ? Interviewer le président-satrape aux abois.

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Voilà donc le pitch d’un road movie qui dispensera le spectateur de la moindre information quant aux tenants et aboutissants de ce conflit intestin, des motifs de la situation, des arrière-plans politiques qui la sous-tendent. Par contre, une pyrotechnie spectaculaire est mise au service de l’action, dans un carnage qui conjugue débâcle autoroutière, métropoles en flammes, bleds paumés trompeusement en paix…

Mais surtout, selon une gradation orchestrée complaisamment jusqu’au gore le plus scabreux, Civil War ne nous épargne aucune horreur : exécutions à bout portant, pendaisons, corps brûlés vifs ou calcinés, torches vivantes, fosses communes à ciel ouvert où les rescapés pataugent parmi les cadavres, viscères répandus sur l’asphalte, macchabées écrabouillés sous les roues. Le climax ? Le siège du Capitole, et l’attaque à la mitraillette d’une Maison blanche reconstituée avec soin.

Nos journalistes, ultime avatar de la sainteté martyre baignée dans l’épouvante, ne doivent leur salut qu’au miracle : leur seule arme, ces clichés que shootent opiniâtrement, inlassablement leurs objectifs.  Film « à l’ancienne », disais-je : la petite Jessie ne travaille-t-elle pas en péloche noir et blanc, avec le Nikon vintage hérité de daddy ? Au reste, le métier n’est-il pas en voie d’extinction ?

Après le film d’horreur Men (2022), le romancier, scénariste (le script de La plage, c’était lui) et réalisateur britannique Alex Garland, sous couleur de sanctifier les idéaux sacrificiels de ces belles âmes – trois générations confondues de reporters-photographes pris sous la mitraille comme sous le feu du Ciel – se noie décidément dans le sordide et l’abjection.          


Civil War. Film d’Alex Garland. Avec Kirsten Dunst, Wagner Moura, Cailee Spaeny, Stephen Mckinley Henderson, Sonaya Mizuno, Nick Offerman. Etats-Unis, couleur, 2023.

Durée: 1h49
En salles le 17 avril



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