Dans l’affrontement commercial qui l’oppose aux Etats-Unis, la Chine de Xi Jinping a probablement beaucoup plus à perdre que les Etats-Unis de Donald Trump. Et le président américain le sait…
On lit de plus en plus d’ articles critiques sur la surtaxation douanière imposée par le président Trump aux produits importés de Chine. Certains de ces articles sont dogmatiques et partent du point de vue que le mondialisme commercial est : soit inévitable (révolutions des transports et des technologies), soit juridiquement obligatoire (OMC), ou même que le protectionnisme va provoquer au mieux une récession économique, au pire (au diable l’avarice !) une guerre militaire.
La Chine tremble
La croyance inspirée des thèses de Ricardo selon lesquelles le commerce total et la spécialisation économique des nations vont amener le bonheur pour tous sont fausses, cyniques et dangereuses (à l’appui : Say, List, Schumpeter, Allais, Lafay, etc.). Assez étrangement, ces dogmatiques libéraux, côtoient les « no border », les auteurs de gauche et les anti-Trump viscéraux. Ceci fait apparaître qu’il existe un fossé de plus en plus profond entre les libéraux-mondialistes et les libéraux-nationaux.
D’autres articles, sinophiles décomplexés, volent au secours de la Chine, qui accuse un début de marasme à la suite du premier train de mesures douanières des Etats-Unis. En effet, les Etats-Unis ont prévu de surtaxer à 25 % la totalité des importations venues de Chine dans dix semaines si aucun accord n’est trouvé d’ici là… La Chine n’y résisterait ni économiquement ni politiquement. Xi Jinping le sait et, en dépit de sa réputée dureté et de la légendaire aversion des Chinois pour la « perte de la face », il semble que l’on commence à détecter, ici et là, les signes d’une préparation de l’opinion publique chinoise et mondiale à une reddition.
Perdant/perdant, vraiment ?
Donald Trump a, jusqu’ici, réussi tout ce qu’il a entrepris vis à vis du Traité transpacifique, de l’Alena (Canada et Mexique), de la Corée, sur le plan économique interne ou les flux migratoires. Son succès est la résultante de plusieurs facteurs que l’on peut résumer ainsi : il défend avec des idées de bon sens les intérêts de la première puissance économique du monde. Ceci ne doit pas interdire de discerner chez ce président atypique quelques possibles points de faiblesse : son rapport à l’Iran et la personnalité de son allié le roi Ben Salmane, qui semble impliqué dans la disparition scabreuse du journaliste Jamal Khashoggi.
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Enfin, d’autres auteurs plus mesurés, comme Jean-François Dufour dans Le Monde, croient pouvoir affirmer que dans la « Guerre commerciale Chine/États-Unis : Il n’y a qu’un scénario perdant/perdant ». Il y a tout d’abord une faiblesse sémantique dans cette expression. La guerre commerciale ne date pas de cette année : elle est permanente en général et en particulier avec la Chine depuis qu’elle a intégré l’OMC en 2001. La politique américaine n’est qu’une contre-offensive fondée sur le fait que la concurrence chinoise n’est pas loyale. Et elle ne l’est pas. L’auteur explique bien pourquoi « la Chine n’est effectivement pas une économie de marché classique ». « La dichotomie que l’on trouve dans le discours officiel de Pékin l’atteste : tandis que la Chine réclame sur la scène internationale sa reconnaissance comme économie de marché, le discours domestique ne cesse de rappeler que le pays évolue dans le cadre d’une ‘économie de marché socialiste’, qui est son modèle officiel et qui implique de nombreuses distorsions des règles de l’économie de marché. »
Question de survie
A cela, on répond souvent que tout le monde triche, y compris les Etats-Unis. Ce n’est pas faux. Mais la concurrence mondiale n’est pas un match de sport. C’est une guerre constante où seul compte l’intérêt national. D’ailleurs, comme le note justement cet auteur « la différence [entre Chine et Etats-Unis] réside… dans le fait que la Chine recourt à ce type de distorsions de manière beaucoup plus systématique. Mais il y a une raison fondamentale à cela. Là où l’administration Trump perçoit une volonté chinoise de maximiser ses profits, il y a en fait une question de survie pour Pékin ».
C’est effectivement une question de survie économique et politique pour la Chine. Mais aussi, quoiqu’à degré bien moindre, pour les Etats-Unis. Trump et Xi le savent. Mais si la Chine ne négocie pas d’ici Noël, c’est elle seule qui sera à court terme perdante. Et si les Etats-Unis arrivent, à court et moyen terme, à reconstruire leur tissu productif (et l’histoire montre qu’ils en sont capables), ils seront les grands gagnants. L’orgueilleux et ambitieux empereur acceptera-t-il de voir sa faiblesse et de la laisser paraître aux yeux de sa population ? Si tel n’était pas le cas, le colossal marasme qui s’installerait dans l’Empire du milieu pourrait, à la veille de l’émergence de la troisième génération d’après révolution, provoquer des événements politiques majeurs.
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