Ces élites qui ne veulent plus compter…


Ces élites qui ne veulent plus compter…

rebsamen leguen hollande

Pauvre Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas de sa faute s’il pensait qu’une exposition médiocre pouvait décoter un appartement de 30 à 40 % de sa valeur… Si on ne peut même plus se tromper à l’insu de son plein gré… D’accord, il manquait 700 000 euros dans sa déclaration de patrimoine, mais qu’est ce que 700 000 euros à côté du déraillement des comptes de campagne de l’UMP. Et d’ailleurs, pour prouver sa bonne foi, il s’est empressé de faire un avenant qui « annule et remplace » une fois que l’erreur lui a été signalée.

Des ministres qui trichent avec la transparence qu’ils ont appelé de leur vœux pour moraliser une vie publique jusqu’ici trop dévoyée, des dépenses de campagnes qui flambent, embrasant du même coup l’avenir d’une des formations politiques les plus importantes du pays, une entreprise nationale qui ne sait plus calculer la taille de ses locomotives et doit y adapter les quais au prix de plusieurs dizaines de millions d’euros, un ministre de l’éducation qui ne veut plus compter les points et envisage d’en finir avec les notes…  Un projet de réforme territoriale d’une grande précision « XXX régions » jusqu’à sa présentation au public, où le nombre 14 semble finalement  avoir été tiré au dés, des prévisions de croissance régulièrement surévaluées par rapport aux données internationales et des déficits arrangés à la baisse qui ne trompent que ceux qui les trafiquent… Des cotes d’impopularité à vous écœurer des mathématiques…

La France d’en haut boude les chiffres. Après tout, c’est tellement mesquin de compter !

Quand les Français souffrent, il faut redonner espoir, il faut « faire sens », et en matière de projet de société, de « vivre ensemble », ce ne sont pas quelques chiffres qui changeront les choses.

C’est François Rebsamen, notre ministre de l’emploi aidé, qui résume le mieux cette tendance lourde chez nos experts : « Je me suis donné comme consigne en arrivant à ce poste de ne jamais commenter les chiffres mensuels du chômage… Ces chiffres mensuels, quand on les prend mois par mois, ils ne veulent pas dire grand-chose1».  Ca tombe sous le sens, non ?

On ne comptera donc pas : le nombre de personnes qui ont été empêchées de mener une vie normale pendant deux semaines, alors que, comme l’illustrait un canular diffusé sur facebook : « En juin : la SNCF vous Coupe du Monde ». On ne calculera pas non plus le temps, l’énergie et l’argent public volatilisé dans le montage Alstom/General Electric élaboré à grand renfort de mensonges pour sauver le soldat Montebourg. On ne dénombrera pas les portiques construits en pure perte pour une écotaxe reléguées aux oubliettes des grands projets. On ne comptera pas combien de futurs bacheliers ont bénéficié d’un petit arrangement arithmétique pour faire partie de la cohorte prévue pour ce cru 2014. Inutile d’ailleurs de dénombrer combien d’entre eux ont participé à la pétition… ils ont exprimé leur colère, ils ont été entendus… c’est la seule chose à retenir.

À force de ne plus savoir compter ni les chômeurs, ni les mécontents, ni l’argent public, ni les fonctionnaires, ni les grévistes, ni les indemnités des intermittents de la contestation, ni l’évaluation des élèves, et de ne plus conter que de belles légendes aux français … ces derniers, qui sont bien obligés de calculer leurs heures, leur budget, leurs mètres carrés et ce qui leur reste après impôt, n’auront bientôt plus rien à compter. Quant à la France, elle ne sera plus riche que de ses souvenirs.

Nicolas Sarkozy disait vouloir en finir avec la suprématie de la filière scientifique…  Plus qu’un vœu, n’était-ce pas une prémonition ?

*Photo : Michael Huang.



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