Et maintenant, place aux radars pédagogiques ! Dimanche, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant nous a gratifiés d’une annonce sensationnelle : les routes françaises vont être équipées dans les mois qui viennent de radars gentils. Qui flasheront les automobilistes en faute, mais se contenteront d’afficher leur vitesse sur des panneaux routiers ad hoc, sans que les dépassements entraînent la moindre punition. Voici donc pour le côté pédagogique. Politiquement, ce gentil radar est supposé gommer l’effet désastreux – électoralement parlant si ça se trouve – du méchant radar. Lequel, non content de relever la vitesse du conducteur et d’automatiser la sanction, celui-ci sera désormais planqué puisque, faut-il le rappeler, les pancartes annonçant les engins de contrôle ont été démontées au nom de la sécurité routière, pour contrer une mortalité automobile repartie à la hausse.
J’entends d’ici les hauts cris : mesure liberticide, contrôle social, rétablissement de l’octroi, délire bureaucratique, bons conducteurs qui roulent vite mais bien injustement sanctionnés et impunité pour les dangereux lambins qui empoisonnent nos routes. J’en passe. Nous connaissons tous les arguments et les employons dès qu’arrive dans la boîte aux lettres l’injonction de payer 90 euros pour un dépassement de 2 km/heure. Mais, en matière de sécurité routière, franchement, rien d’autre ne fonctionne que la répression.
On me dira que ces arguments sont plus faciles à balayer quand on a juste besoin d’un vélo pour travailler, qu’on n’exerce pas la profession de chauffeur-livreur, qu’on n’habite pas en province et que l’on ne doit pas parcourir 50 kilomètres par jour pour aller gagner son SMIC. Certes. Mais je ne connais pas d’autres épouvantails que le gendarme ou le radar pour faire ralentir les automobilistes et faire baisser le nombre de morts et blessés sur les routes. On peut s’en prendre aux constructeurs automobiles, juger qu’ils devraient limiter la puissance des moteurs et j’en passe. Je crains que des voitures ainsi amputées de leur puissance de feu potentielle ne plaisent guère aux acheteurs. La voiture, la vitesse, ont partie liée avec le désir de puissance c’est-à-dire avec quelque chose d’irrationnel. Mais laissons de côté cette question des relations entre virilité et bagnole qui risque de nous entraîner trop loin.
On peut cependant trouver curieux que le ministre de l’Intérieur, qui jouait les gros bras la semaine passée, faisant démonter les panneaux des radars en 24 heures, nous fasse brutalement le coup de la pédagogie. On ne saurait imaginer que ce léger virage à 90° et en cinquième vitesse, pied au plancher, ait un quelconque lien avec la grogne des députés de la majorité, qui mercredi dernier, à l’Assemblée, ont bondi comme un seul homme pour se plaindre de ce tour de vis routier, potentiellement UMPicide. À ce compte-là, autant abandonner toute velléité de faire une politique publique de sécurité routière : de toute façon, donc les électeurs en colère. Qu’on nous laisse donc tuer et nous tuer sur les routes, en roulant bourrés, téléphone à l’oreille tout en franchissant les lignes blanches. Un petit air de Mad Max sur les routes de campagne, ça fait déjà envie.
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