Guaino a de la mémoire


Guaino a de la mémoire

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Henri Guaino était devenu l’expert UMP en ingestion de couleuvres. On l’imaginait déjà retenant sa respiration lorsque les discours sarkozystes de l’entre-deux tours 2012, qui n’étaient plus l’œuvre de sa plume, étaient trempés de l’encre buissonniste. Et plus lorsqu’au mépris du peuple qui avait dit Non au traité constitutionnel européen en 2005, ses amis au pouvoir ratifiaient le traité de Lisbonne trois ans plus tard…

Il fallait s’y résoudre, sa droite de cœur, celle du Général, était morte et les jeunes loups de l’UMP, auto-consacrés héritiers du sarkozysme ne manquaient pas de danser autour de sa dépouille.

Il s’était donc astreint àrentrer dans le rang,venant seulement ici et là marquer son opposition au gouvernement Hollande, dans le sillage de Copé. Un discours de fidèle soldat, toujours prêt à défendre l’unité de sa famille politique dont le navire tanguait sévèrement au plus fort des guerres de clans.

Cependant, le souverainiste Guaino n’ignore pas que la défiance des Français à l’égard de l’Union Européenne grandit. Loin des débats politiques abstraits, beaucoupd’Européens voient l’Union comme un conglomérat de nationalités qui ne partagent pas grand-chose, si ce n’est un drapeau, et quelques valeurs humanistes, à la géométrie souvent variable.

Guaino, pressentant cette défiance, a attaqué frontalement la tête de liste de UMP en Île-de-France, aux prochaines élections européennes, Alain Lamassoure qui « incarne l’Europe dont plus personne ne veut »,  expliquant qu’il ne voterait pas pour lui en raison de ses prises de position fédéralistes et de son soutien au traité de libre échange transatlantique.

Comme s’en amuse David Desgouilles, les cris d’orfraie ont résonné dans les rangs de l’UMP, Alain Juppé rétorquant en chef du chœur des indignés : « Je ne pratique pas l’exclusion. Mais quand on est à ce point en désaccord avec son propre parti politique, la dignité la plus élémentaire, c’est d’en tirer les conséquences ».

L’ancien « meilleur d’entre nous », selon Chirac, a décidément la mémoire courte. Car si l’UMP a pris des positions farouchement pro-Union depuis une décennie, l’acte fondateur de son prédécesseur, le RPR, n’est autre que l’appel de Cochin (1978), par lequel le président du parti, Jacques Chirac dénonçait la politique « antinationale» d’un « parti de l’étranger », désignant là l’UDF de Giscard. Aux élections européennes de 1979, le parti gaulliste avait donc fait campagne sur le thème de l’antifédéralisme européen.

Au gré des élections et des courants majoritaires, cette question ne se dépassionnera jamais dans ses rangs. Ainsi, le référendum sur le traité de Maastricht fracturera le parti avec la ligne Pasqua-Séguin – à l’époque soutenue par le jeune Guaino- faisant campagne pour le « non » contre le« oui » incarné par quelques autres pontes du parti parmi lesquels Balladur et Chirac, qui effectuait sa mue européiste en espérant l’habit présidentiel. Peu après, les européennes de 1994 provoqueront quelques remous, avec la défaillance de plusieurs figures gaullistes se rangeant derrière la liste Chevènement tels le général Pierre-Marie Gallois. Rebelote cinq ans plus tard, lorsqu’en 1999, le tandem eurosceptique Pasqua-Villiers dépasse d’une courte tête la liste RPR officielle menée par Sarkozy et Madelin. Là encore, Guaino jouait les francs-tireurs au sein du RPF brièvement ressuscité par Pasqua.

Les réactions de Juppé et Copé occultent donc tout un pan idéologique de la droite française, dont le gaulliste Guaino est l’héritier. Se dégageant d’une logique partisane, l’ancien conseiller spécial de Sarkozy a le mérite d’ouvrir un débat sur l’Europe que les deux grands partis, minés par leurs divisions, font tout pour confisquer.

 *Photo : ANTONIOL ANTOINE/SIPA. 00659346_000030.



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