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Gros sous et sous-marins


Gros sous et sous-marins

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L’affaire des sous-marins vendus au Pakistan se corse : selon le juge Marc Trevidic, chargé de l’enquête sur l’attentat de Karachi au cours duquel 11 employés de la Direction des Constructions Navales (DCN) ont été tués en 2002. Des « rétro-commissions illicites » ont bel et bien été versées en marge de ce contrat géant d’armements. La confirmation par le juge d’instruction de ce qui était jusqu’alors des hypothèses de journalistes est sans doute un développement important dans cette affaire où le chef de l’Etat Nicolas Sarkozy, pourrait être impliqué. Ministre du budget dans le gouvernement Balladur à l’époque de la signature du contrat, Sarkozy est en tout cas mentionné dans la presse comme l’un des architectes du « contrat parallèle » et du mécanisme qui devait permettre le versement des rétro-commissions.

Onze hommes assassinés pour des pots-de-vin non versés ?

Sans minimiser l’importance de la dimension française de l’affaire on ne peut que s’étonner du silence sur la responsabilité pakistanaise. Si le juge Trevidic a raison, il faut en effet en tirer deux conclusions. La première est que certains hommes politiques français sont corrompus, ce qui est fâcheux. Mais il serait mille fois plus grave encore que des responsables politiques et militaires pakistanais aient froidement assassiné onze Français parce que le versement des pots-de-vin promis avait cessé. Selon la thèse de Trevidic, pour récupérer leurs sous, ces Pakistanais n’auraient pas hésité à tuer, histoire d’envoyer « un message » à Paris et exprimer leur mécontentement. « Strictly business, nothing personal ».

Nous aurions affaire ici à une bande de mafieux en costume-cravate ou en uniformes militaires, des gens dont la corruption est le vice le plus sympathique. Dans ces conditions, le silence devient assourdissant. Que l’implication des hommes politiques français dans cette affaire suscite l’intérêt des médias en France, rien de plus normal. Que personne ne dise rien sur le caractère atroce et abject des Pakistanais impliqués dans ce crime est un véritable scandale. Même les familles des victimes ne songent pas à manifester devant l’ambassade de Pakistan ou à réclamer des indemnisations de Karachi comme s’il était bien naturel qu’un Pakistanais ne soit pas un être humain responsable mais une bête sauvage réagissant mécaniquement à une provocation.

Un pays trop dangereux pour les journalistes

Il est vrai que la presse française ne peut pas enquêter au Pakistan, car la longévité d’un journaliste qui entreprendrait une telle mission se mesure en jours sinon en heures. L’exemple de Daniel Pearl du Wall Street Journal, est présent dans tous les esprits. Au cours de son enquête sur le parcours de Richard Reid (l’homme qui avait essayé de faire sauter un avion avec une charge explosive dissimulée dans ses baskets) au Pakistan, Pearl a été kidnappé et plus tard décapité par des islamistes dont certains entretenaient des liens un peu ambigus avec le ISI (Inter Service Intelligence), les renseignements pakistanais.

Le Pakistan est un pays trop important pour que la France puisse le sanctionner et encore moins rompre avec lui, ne serait-ce qu’en raison de son rôle et de son influence dans le conflit afghan. Mais si la France officielle, pour de raisons économiques et géostratégiques légitimes, est obligée d’avaler ce genre de couleuvres, les responsables politiques ont au moins le devoir de faire la lumière sur le rôle des services pakistanais dans ce meurtre prémédité. S’il faut faire des affaires avec eux, sachons au moins à qui on a affaire : à des barbares.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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