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Grippe A : un fiasco du marketing viral


Grippe A : un fiasco du marketing viral
Les centres de vaccination montés en grande pompe en décembre dernier ont mis la clé sous la porte. Flickr / Brett Arthur
Les centres de vaccination montés en grande pompe ont mis la clé sous la porte. Flickr / Brett Arthur
Les centres de vaccination montés en grande pompe ont mis la clé sous la porte. Flickr / Brett Arthur

Ouf, est-on tenté de dire. Ce dimanche 31 janvier, on en a définitivement terminé avec la grippe A, le H1N1, les masques, les solutions hydro-alcooliques et les éternuements dans le coude. Ben oui, hier soir, les centres de vaccination montés en grande pompe –et dans un grand désordre- en décembre dernier ont mis la clé sous la porte. Et pour se faire vacciner, à supposer que quelqu’un y songe encore aujourd’hui, il faudra aller chez son généraliste.

D’un certain côté, on pourrait presque s’en satisfaire: cette campagne délirante, qui coûtera sans doute aux alentours de 1,5 milliards d’euros, s’achève plus tôt que prévu. On va rendre les gymnases aux profs d’EPS grognons, aux associations sportives qui ont végété pendant deux mois et demi, aux groupes de vieux qui viennent entretenir leur forme à coup de gymnastique suédoise le lundi après-midi.

C’en est fini de la pandémie, celle qui allait faire des milliers de morts juste parce qu’on allait continuer à s’embrasser sur la bouche. La grippe A, enfin sa gestion par notre chouette appareil étatique, va pouvoir figurer dans les travaux pratiques des cours d’organisation administrative de l’ENA : « montez un fiasco coûteux, assumez une communication gouvernementale grotesque puis prouvez que c’est un succès intégral ». Néanmoins, il ne faudra pas compter sur moi pour attaquer l’affaire sur le point de l’application du principe de précaution en matière de santé publique. Quoiqu’en disent certains lecteurs de Causeur, en France on pêche plutôt par faiblesse que par excès. Il suffit de demander aux malades de l’amiante qui se démènent devant des tribunaux, s’ils regrettent que l’Etat ait fermé les yeux sur ce qu’ils respiraient à plein poumons.
Mais bon, concernant cette grippounette, il faut rappeler quelques petites évidences qui font rire :
– L’Etat français se retrouve à la tête de 28 millions de doses de vaccins qu’on essaie de refourguer à qui en veut (le Qatar, l’Egypte, voire Haïti, si l’île n’était pas occupée à autre chose…) Roselyne Bachelot et son ministère essaient de faire annuler la commande de 50 autres millions de doses dont nous n’aurons manifestement pas besoin. Et, comme c’est bizarre, les labos pharmaceutiques traînent la patte.
– Aujourd’hui, moins de 10% des Français sont vaccinés et la grippe A a fait formellement près de 250 morts (c’est trop, mais ce n’est pas la peste noire non plus).
– Les médecins qui doivent prendre le relais ce lundi traînent des pieds à l’idée d’aller se fournir en bas de chez eux en vaccins, ou d’envoyer la secrétaire chez le pharmacien pour assurer leur mission de service public. Je ne parle même pas du tarif syndical à 6 euros et des brouettes qu’ils doivent réclamer à leurs patients pour piquer, qui ne les met pas authentiquement en joie.
– Les soupçons de collusion entre l’OMS (la grande organisation internationale lanceuse d’alarmes pandémiques) et les labos pharmaceutiques se font plus forts. On a même pu lire dans la presse (le Parisien) la semaine passée que les mêmes petits problèmes d’endogamie valaient pour les experts gouvernementaux français qui émargent en même temps – sauf pour deux d’entre eux- dans les labos qui fournissent les vaccins contre la grippe A.
– Et, fin du fin, les amis, l’Inserm nous a annoncé il y a une quinzaine de jours, que la grippe A, c’était fini.

Au vu de ces quelques faits têtus on pourrait légitimement conclure au fiasco : on arrête les frais, on ferme les centres et on passe à autre chose. Mais, mais, mais, j’ai sans doute mauvais esprit, fermer comme ça brutalement un service public gratuit de vaccination qui petit à petit faisait ses preuves pour faire soi-disant rentrer en jeu les médecins, ça me chagrine.

D’abord parce qu’il se trouve que ces deux derniers jours d’ouverture, les centres (redimensionnés, un par département, rationalisés en fait) ont fait le plein. Et vous savez pourquoi ? Parce que si ça se trouve, et si vous ouvrez tous les jours votre boîte à lettres, vous avez dû recevoir, comme moi, votre bon de vaccination vous invitant à vous rendre dans le centre le plus proche de chez vous pour échapper à la peste qui nous menaçait tous. (Au passage, on félicitera l’Assurance-maladie pour sa réactivité et son accompagnement dynamique de la campagne gouvernementale et je ne parle pas du bordel sur la question de savoir s’il fallait le bon ou pas pour se pointer devant un médecin piqueur…). On a beau être vacciné (contre les courriers administratifs, s’entend), ce genre d’injonction ministérielle, officielle et dramatique à souhait, fait de l’effet, même chez des gens comme moi. C’est-à-dire fort respectueux de l’ordre et de la loi. Franchement, pendant un moment, je me suis dit: « Je vais y aller! ». Après tout, vu le nombre d’inepties qu’on nous a dites sur cette grippe, il vaudrait peut-être mieux se mettre à l’abri. Bizarrement, je n’ai guère envie de miser une boîte de Tamiflu sur une prévision ministèro-médicale concernant la grippe A, ou tout autre variété de truc qui fait tousser.

Au bout du compte, je n’irai pas chez mon généraliste qui a franchement autre chose à faire. Moi aussi, d’ailleurs. Alors, quid du bon-pour-un-vaccin, me direz-vous ? Je me dis que je vais le garder par devers moi, on ne sait jamais, mis en vente sur e-Bay dans quelques années, ça me permettra peut-être de payer mes médicaments qui finiront par être déremboursés. Ou alors, je peux toujours l’encadrer. J’adore l’idée d’avoir la signature de Roselyne Bachelot au-dessus de mon armoire à pharmacie.



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