Si l’on suit la pensée dominante et « intersectionnelle » qui inonde le décolonialisme, le féminisme radical et l’antiracisme dévoyé, on peut esquisser le portrait-robot du coupable : c’est un homme, blanc, raciste, hétérosexuel.
Lors de son dernier discours à Madrid, puis dans une tribune de Project Syndicate (29 novembre 2019) Greta Thunberg a déclaré : « La crise climatique ne concerne pas seulement l’environnement. C’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique. Des systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. »
Adèle Haenel en pointe
La rapidité avec laquelle certaines idées circulent puis s’intègrent dans un discours anti-Occident est stupéfiante. Ainsi, en sus de son combat pour l’écologie, dans un mouvement « intersectionnel » perpétuel, Greta Thunberg est-elle parvenue à désigner les fautifs : les anciens pays colonisateurs (uniquement les pays occidentaux), les racistes (uniquement les Blancs) et les systèmes patriarcaux (hormis ceux de la tradition coranique).
De la même manière, dans un entretien donné au New York Times, Adèle Haenel a pu expliquer que la « vraie censure dans le cinéma français, c’est l’invisibilisation » ; puis questionner : « Où sont les gens racisés dans le cinéma ? » ; et conclure : « Pour l’instant, on a majoritairement des récits classiques, fondés sur une vision androcentrée, blanche, hétérosexuelle ». (sic)
Si l’on suit la pensée dominante et « intersectionnelle » qui inonde le décolonialisme, le féminisme radical et l’antiracisme dévoyé, on peut esquisser le portrait-robot du coupable : c’est un homme, blanc, raciste, hétérosexuel. Et il cumule ces tares sur une seule aire géographique : l’Occident. Selon ce mythe, lui seul a colonisé des terres. Lui seul a conquis des territoires. Lui seul a fait de la traite des noirs africains un commerce monstrueux et lucratif. Lui seul a condamné les femmes aux pires tourments et à « l’invisibilisation ». Et lui seul a des comptes à rendre.
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Stratégie de pouvoir
L’excellent livre d’Anne-Sophie Nogaret et Sami Biasoni, Français malgré eux, montre comment fonctionne, jusqu’à la bêtise, ce mouvement qui aimerait bien passer pour révolutionnaire, mais qui n’est en réalité qu’une façon de prendre le pouvoir (ou de garder un poste) en différents points stratégiques, l’université en tête ; ou de faire briller la coquille vide du « moi », ce « moi » qui ne regarde que lui et a trouvé dans le discours victimaire et « intersectionnel » le moyen de faire croire qu’il regardait aussi, de temps en temps, ailleurs, c’est-à-dire hors de lui, voire loin de lui. Ce qui n’est pas le cas.
Cette double ambition, pouvoir pragmatique et valorisation du « moi », n’est pas antinomique, et la « pensée » intersectionnelle est une arme efficace qui sert aussi bien l’une que l’autre. À l’intersection des potentielles et supposées discriminations auxquelles m’exposent ma couleur de peau, mon orientation sexuelle, mon obésité, mon handicap, mon accent, mon âge, mon « genre »…, je peux exhiber mon « moi » unique et égoïste, étaler une fausse compassion, cacher un véritable ressentiment, et bousculer ce que j’appelle l’ordre établi et dominant, lequel est idéalement représenté par l’homme blanc hétérosexuel occidental de plus de cinquante ans que je peux chasser pour prendre sa place.
Macron contre les « mâles blancs »
Ainsi voyons-nous aujourd’hui, en France, de plus en plus souvent, des ateliers non-mixtes ou des camps décoloniaux refuser leur accès aux Blancs, ou aux hommes, ou aux hétérosexuels, sous prétexte de « se défaire du joug de “l’influence du dominateur” ».
Ainsi avons-nous entendu le président de la République évoquer à deux reprises les « mâles blancs » quadras ou quinquagénaires (lors de son discours au Collège de France sur l’Intelligence artificielle et lors de la présentation du plan « banlieues »).
Ainsi, nous rappellent les auteurs de Français malgré eux, lors d’un colloque à l’université Paris 1 intitulé « Approches phénoménologiques du genre et de la race », la « philosophe » Manon Garcia a-t-elle pu asséner : « Je ne suis pas sûre que la femme dans son harem ait tellement moins de liberté que la catholique versaillaise mère au foyer, en fait ».
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Ainsi, la « philosophe » Marion Bernard, lors du même colloque durant lequel l’alcool a dû couler à flots, narrant une expérience de rencontre avec une « nounou » noire dans un jardin public, a-t-elle pu tituber à voix haute : « Je deviens moi-même un personnage en deux dimensions […] en couleur, ou plutôt en non-couleur. Non-couleur qui décolore mon fils du même coup, le blanchit et le sépare de moi […] Nous avons ce lien nouveau entre nous, désagréable et honteux, qui me fait peur, la blancheur en partage, visible et gênante. Tout à coup, il est moins là que les autres enfants. » (sic, sic, sic !).
SOS universalisme
Sous l’influence de « concepts » anhistoriques, anachroniques et « intersectionnellement » victimaires, Greta Thunberg, Adèle Haenel, Delphine Ernotte, Eric Fassin, Rokhaya Diallo, Manon Garcia et mille autres, participent au même mouvement de dénonciation du même coupable et jubilent de voir leur moiversalisme bavard et flou remplacer cet encombrant, historique et philosophique universalisme. La quête de vérité, la saine curiosité, l’envie de lire autre chose que des tracts, les notions de bien et de mal, se voient évincées par des valeurs progressistes portées en étendard et variant au gré des modes ou des ambitions personnelles. Le « moi » décomplexé et ignorant a des combats dont il est fier et qui finissent en parades. Cela suffit à le satisfaire.
Mais ces luttes « intersectionnelles » et factices ne tromperont leur monde que le temps nécessaire à l’étalage total de leur bêtise. Déjà, Etienne Balibar, qui n’est pas réputé pour son conservatisme ou son esprit réactionnaire, a réagi très vivement lors d’un débat entre étudiants et universitaires plus ou moins « racisés » mais totalement « décoloniaux » lorsqu’un intervenant a réclamé « le meurtre du philosophe blanc hétérosexuel » (?!) : « Le livre de Norman (Norman Ajari, auteur du livre débattu ce soir-là), a tenu alors à préciser vertement Etienne Balibar, ne contient pas un seul bloc d’argumentation qui ne vienne pas de la raison classique. Il n’y a pas un seul raisonnement, il n’y a pas une seule construction de pensée, pas une seule critique dont vous pourrez dire “Ah oui, là, ça vient du fond de l’Afrique !” Pas du tout ! tout ça provient de Hegel, à travers Fanon ». À force de pousser pépère dans les orties, même le plus conciliant des pépères se rebiffe !
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