Par crainte du conflit, par fainéantise intellectuelle, par lâcheté, nous acceptons désormais angéliquement de nous faire rééduquer par nos enfants. Lesdits enfants se révélant souvent plus prompts à nous imposer leurs avis qu’à nous épater par leurs connaissances…
Retrouvailles familiales estivales et intergénérationnelles puisque, cette année, les vieux ne mangent plus dans la cuisine.
Petit déjeuner, ça blablate, ça papote, ça babille. Tout baigne. Et puis sans signe avant-coureur, ça dérape grave. Un mien neveu, bien imprudemment, qualifie les amis, avec lesquels il a récemment passé un week-end, de « couple d’homosexuels ».
Sa fille (donc ma petite nièce), 15 ans, éclate :
– Enfin papa, ça ne se dit pas, on ne dit pas un couple d’homosexuels !
– Ah bon, je dis comment alors ?
– Mais, tu dis juste un couple. Un couple, c’est un couple. Pourquoi te sens-tu obligé d’ajouter homosexuel. Tu es discriminant et en plus tu nous mets la honte.
Deux anges se tenant gentiment par la main traversent la pièce. Ils s’attardent un peu mais pas trop. On parle d’autre chose. On tente des sujets moins genrés. Suite à un alignement de planètes improbable, Néron fait son entrée dans notre petit cirque patriarcal. O turbulente flamme !
La cousine de la donneuse de leçon, un an de moins, attaque :
– Contrairement à ce que vous croyez, Néron n’a pas du tout persécuté les chrétiens pour leur foi. C’est juste parce qu’ils avaient mis le feu à Rome. Encore une fake news de l’Église catholique.
Un tonton, goguenard et surtout célibataire sans enfants, tente :
– Comme les quarante mille Liverpuldiens sans billet du Stade de France ! Darmanin, Néron, même combat.
Un nouvel ange passe et repasse. Mais à toute vitesse : il a les lions aux trousses.
Dispersion des troupes, direction la plage.
Au déjeuner, nouvelle leçon d’histoire : les Croisades c’était juste une agression chrétienne (des hommes blancs) contre les populations locales (pas blanches et… pas très catholiques).
Nouvelle tentative désespérée du tonton :
– Les Turcs seldjoukides avaient quand même coupé la route de Jérusalem aux pèlerins !
Cette fois, l’ange qui traverse le salon a un look Madonna avec plein de croix autour du cou. Il ne se presse guère de quitter le champ de bataille. Le tonton, pas soutenu par sa classe d’âge, bat en retraite. Et, nos jeunes remontés comme des coucous, embrayent sur Al-Andalus. Ils nous « enseignent » qu’en ces temps-là, on « savait ce qu’était le vivre ensemble ». « On ne faisait pas tout un plat avec les religions ». Citations dans le texte.
Une « maman » trouve une sortie. Ces têtes blondes (pour information, scolarisées dans le privé) bénéficient de bulletins dématérialisés, on n’a qu’à les regarder à la télé.
Exécution. La petite assemblée peut être fière de sa progéniture. Des 17, des 18 de moyenne partout. Petit bémol, dans toutes les matières, « les moyennes de la classe » se situent entre 13 et 15. Et, pas moyen de connaître la meilleure note, ni la plus mauvaise. Il ne faudrait pas non plus donner la grosse tête aux uns et ostraciser les autres.
Le tonton, toujours lui, ose :
– Quand j’ai passé le bac en 1967, 0,3% des candidats, dont moi, ont décroché la mention TB. Ils étaient 16,8% en 2020.
On le coupe. Sans vergogne.
– Mais, enfin, c’est normal, vous étiez beaucoup moins nombreux !