Une nuit particulière, de Grégoire Delacourt, est un roman bouleversant sur un couple touché par la grâce et la tragédie.
C’est un roman envoûtant que nous propose Grégoire Delacourt, écrivain confirmé. La même histoire est racontée par les deux protagonistes, Aurore et Simeone. Un peu comme les évangiles qui nous proposent les variantes de la même histoire avec quatre auteurs différents. Elle s’appelle Aurore, a dépassé la cinquantaine, et vient d’être quittée par l’amour de sa vie, Olivier. Elle est dévastée. Ils étaient ensemble depuis trente ans. Elle rencontre un soir d’automne, à Paris, Simeone, aux abords du local d’un groupe de parole. Il est Italien, d’où sa peau mate et les cheveux sombres. Sa voix martyrisée par le cancer lui donne le frisson. Il est flic, marié. Il va mourir.
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Ils vont s’aimer dans Paris désert. On ne voit jamais personne quand on tombe amoureux. Aurore ne peut s’empêcher de penser à Olivier qui s’éloigne. Elle se souvient d’une caresse à la brasserie Lorraine. « La nappe, blanche comme un drap, dissimulait ta main entre mes cuisses. Je m’ouvrais, tes doigts dansaient. »
Aurore raconte cette nuit singulière et inespérée avec Simeone. Ils iront voir la mer, à toute vitesse. Les dialogues, parfois, ressemblent à ceux de Duras. Duras, elle a tout dit sur la passion amoureuse. Simeone reprend l’histoire de son point de vue, moins poétique. Il n’a pas les mêmes références littéraires et cinématographiques qu’Aurore. Il a des phrases définitives : « L’amour, c’était l’absence de peur. » Vers la fin du roman, trop court, on voudrait tant rester encore un peu avec ces deux êtres touchés par la grâce ; on comprend tout, en une phrase. Ça fait l’effet d’une gifle en plein cœur. Et la suite ne nous laisse aucun répit, jusqu’à la plage et la mer aux vagues si froides.
Aurore dit : « L’autre n’est jamais à soi. Il est de passage en nous. Comme le vent. » C’est tellement vrai.
Grégoire Delacourt, Une nuit particulière, Grasset, 200 pages.
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