Les élections de dimanche en Grèce ont vu un nouveau succès de Syriza et d’Alexis Tsipras. Mais ce succès laisse un arrière-goût amer. Certes, en pourcentage des voix, Tsipras semble avoir remporté son pari. La gauche de Syriza, qui avait quitté le parti à la suite de la capitulation du 13 juillet 2015, ne sera pas présente au Parlement.
Pourtant, les résultats sont inquiétants à plus d’un égard. Ainsi, l’abstention a progressé de 7 points (soit 19%) par rapport aux élections de janvier 2015. La fuite des électeurs hors des partis ayant accepté les conditions iniques de Bruxelles est impressionnante. Syriza perd 14% de ses électeurs, la Nouvelle Démocratie en perd 11% et To Potami près de 50%. Seul le parti d’extrême droite Aube Dorée maintient à peu de choses près son nombre de voix (et donc progresse par rapport à l’élection du 25 janvier).
Les votes « blancs » et « nuls » augmentent aussi de manière considérable. Tout indique que la méfiance de l’électorat envers ses institutions a fait un bond considérable entre janvier et septembre ?
Régions ou Syriza et Nouvelle Démocratie sont arrivées en tête.
Rouge: Syriza
Bleu: Nouvelle Démocratie
L’analyse que l’on peut faire de ce scrutin montre que les électeurs de gauche ont considéré qu’il valait mieux donner leur voix (pour ceux qui l’ont fait) à Syriza et ainsi éviter le retour aux affaires du parti de droite oligarchique « Nouvelle Démocratie ». Le népotisme de ce parti (comme d’ailleurs celui du Pasok) a laissé de très mauvais souvenirs.
Mais, cela ne peut constituer qu’un moindre mal. Il est évident que le 3ème mémorandum sera appliqué dans toute sa dureté et que Tsipras, ayant accepté les conditions qui lui ont été imposées, n’aura guère de marge de manœuvre. L’idée d’une résistance passive, si elle peut avoir un certain crédit dans l’opinion, ne tient pas devant les faits. La gauche de refus n’a pu ni su concrétiser la désaffection sensible pour Syriza tant en raison de ses divisions (trois partis se disputaient les votes des déçus de Syriza) qu’en raison de son sectarisme (pour les communistes du KKE).
C’est du côté de la situation économique que les événements vont se précipiter dans les prochaines semaines. La situation de la Grèce ne saurait s’améliorer de par l’application du 3ème mémorandum, qui d’ailleurs n’a pas été fait pour cela, et elle est d’ores et déjà considérée comme étant désespérée. Les premières indications sur le 3ème trimestre laissent à penser que la contraction de l’activité économique en juillet et août 2015 a été très violente. La production industrielle pourrait baisser de -8% à -10% et le PIB de -3% à -5%. Bien entendu, de telles baisses de production vont entraîner un recul des recettes fiscales et dès la fin octobre le gouvernement grec devra demander de nouvelles sommes à ses créditeurs.
Il est clair aujourd’hui qu’il n’y a pas d’avenir pour la Grèce tant qu’elle reste dans la zone Euro et tant qu’elle ne fait pas défaut sur une part importante de sa dette. Ceci commence à se dire tant aux FMI que dans les couloirs de l’Union européenne. Le dossier grec est donc toujours sur la table. Même si, aujourd’hui, d’autres problèmes sont en train de focaliser l’attention, comme la crise des réfugiés, il sera de retour dans les problèmes politiques d’ici la fin octobre.
Retrouvez cet article sur le blog de Jacques Sapir.
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