Grèce, Portugal: la gauche fait de la résistance


Grèce, Portugal: la gauche fait de la résistance

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La gauche fait de la résistance. Rassurons-nous, pas en France. En France, un Premier ministre théoriquement socialiste ne trouve rien de mieux, à quelques semaines d’élections régionales qui annoncent tranquillement un raz-de-marée FN, que de proposer une fusion entre les listes « républicaines », entendez entre les Républicains et le PS, voire, soyons fous les écolos, le Front de gauche atomisé entre plusieurs listes et le PCF. À moins de penser comme l’ami David qu’il s’agit d’une stratégie personnelle, on peut y lire la panique la plus complète. La preuve, même l’aimable Pierre de Saintignon, tête de liste du PS dans le Nord-Pas-de-Calais et donné largement troisième devant Marine Le Pen et Xavier Bertrand, a demandé à Valls de se taire et de laisser faire sur le terrain ses militants suffisamment éprouvés comme ça.

Non, quand la gauche résiste, c’est-à-dire quand elle refuse la fatalité austéritaire et cette fameuse droitisation de la société dont on nous rebat les oreilles dans nos contrées, c’est en Grèce et au Portugal. On ne peut pas dire que ces pays aient été à la fête ces dernières années. Inutile de revenir sur le véritable martyre du peuple grec vaincu par un coup d’Etat financier le 13 juillet 2015. Un gouvernement de gauche radicale, emporté par Tsipras, a dû signer un mémorandum encore plus sévère que les précédents. Il ne s’agissait pas seulement de faire rentrer les Grecs dans l’orthodoxie suicidaire de l’euro made in Germany, il s’agissait en plus de les punir parce qu’ils avaient osé voter à gauche et même très à gauche. À bon entendeur, salut, a-t-on dit du côté de la Troïka, vous avez voulu faire les malins en voulant réorienter l’Europe sans sortir de l’euro (c’était le sens de la victoire du non au référendum du 5 juillet), eh bien vous allez voir ce que vous allez voir.

Et on a vu: « comme un vol de gerfauts hors du charnier natal », l’Allemagne et la France se sont précipitées pour racheter à vil prix ce qui restait des bijoux de famille hellènes. Du coup, personne n’a vraiment compris comme le 20 septembre, l’électorat grec qui aurait dû se sentir trahi, a de nouveau voté pour Syriza et reconduit Tsipras dans ses fonctions. On nous a dit que ce n’était pas très grave, que de toute manière Tsipras avait compris, qu’il allait faire la politique qu’on lui demandait, et encore avec le sourire et en disant merci à la dame. D’ailleurs, une certaine gauche de la gauche, en France, a tout de duite crié à la trahison sociale-libérale. C’est que ceux-là, conformément au célèbre adage de Péguy sur Kant, ont les mains blanches mais n’ont pas de mains.

Or, ce qui vient de se passer avec la grève générale en Grèce ce jeudi 12 juillet, prouve d’une part que rien n’est terminé et que Tsipras, d’autre part, n’est pas un traître. Cette grève a été massive et elle a eu son cortège habituel de jeunes encagoulés qui se réconcilient dans l’émeute sur la place Syntagma alors que les hôtels de luxe tout proches[1. Où l’on discute avec les envoyés européens des futures coupes sombres à faire pour continuer à recevoir de l’argent frais.] étaient transformés en bunkers. Si cette grève était à l’appel du PAME, le front syndical proche du KKE, le Parti communiste grec maintenu qui veut sortir de l’euro et traite Tsipras de Macron, la grosse surprise a été que Syriza a appelé à y participer ! On résume: le parti au gouvernement a appelé à manifester contre…le gouvernement. Schizophrénie, entend-on ici et là. Il faut se méfier de la médicalisation. Tsipras, de fait, utilise les dernières armes qu’il a à sa disposition dans un contexte d’occupation financière étrangère. Il témoigne. Il témoigne de la vraie nature de l’UE, de l’impossibilité de trouver une autre voie, il témoigne pour les autres pays, leur indiquant que ce ne sera pas facile du tout, à moins de trouver un autre type de rapport de force et de s’y mettre à plusieurs.

Parmi les autres pays contestataires, il semble bien qu’il y ait désormais le Portugal. Les dernières élections législatives ont mis en tête le Premier ministre austéritaire sortant. Il a donc été renouvelé à son poste dans un premier temps. Cris d’extase dans le camp de l’orthodoxie bruxelloise sur le mode: on vous avait bien dit que les Portugais, contrairement aux Grecs, étaient des gens sérieux et travailleurs, qui ne mouftaient pas. Qu’ils étaient heureux, au nom de l’euro fort, de perdre tous leurs acquis sociaux et de voir apparaître de nouveau, comme avant la Révolution des Œillets, un lumpenprolétariat précaire et soumis.

Et puis, soudain, en regardant les résultats, on s’est avisé que les choses n’étaient pas si simples. La gauche de la gauche, c’est-à-dire le Bloc de gauche (un genre de gros PG) et le CDU (Communistes plus Verts) d’un côté et les socialistes de l’autre étaient majoritaires en voix et en sièges. Comme le Parti socialiste portugais, contrairement au Parti socialiste français, a encore des instants de lucidité et a bien senti que son électorat le fuyait élection après élection à cause de sa soumission à Bruxelles, il a décidé de moduler son discours, de signer un contrat de gouvernement avec  les deux forces sur sa gauche et de renverser le Premier ministre de droite. Mardi 10 novembre, le gouvernement sortant de Pedro Passos Coelho a donc été renversé par une motion de défiance qui a obtenu 123 voix sur 230. On ne voit pas trop, maintenant, sauf changement de Constitution avec la bénédiction de la droite (et de Bruxelles) ce qui pourrait barrer la route au socialiste Antonio Costa.

On ne sait évidemment ni en Grèce ni au Portugal ce que cela donnera. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a des poches de résistance, et même un peu plus que ça, dans l’Etoile noire qui croyait pourtant sa victoire définitive.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21820995_000030.



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