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Grèce: nos politiques passent le bac Eco


photo : http://lenumerozero.lautre.net

Il faut chaudement féliciter le Monde de son traitement de la crise grecque. Rien de très révolutionnaire, ni de très interactif ou de buzz 3.0. Non, Le Monde a simplement demandé à six responsables politiques français (par ordre alphabétique : Bayrou, Copé, Hollande, Marine Le Pen, Mélenchon et Montebourg) leurs préconisations « pour éviter tout effet de contamination de la crise de la dette publique grecque à l’ensemble de la zone euro ». Là où l’exercice devient bigrement intéressant, c’est qu’on leur a demandé de le faire par écrit et très cursivement -pour parler en jargon de presse, environ un demi-feuillet, soit l’équivalent d’une douzaine de lignes standard ou de trente secondes à l’oral…

Honnêtement, cet exercice est assez réjouissant pour le lecteur. Parce que nos candidats, coincés entre une question qui oblige à être concret et la contrainte de convaincre en peu de mots, n’ont d’autre choix que d’aller droit au but en montrant qu’ils savent faire autre chose que des phrases. Enfin, théoriquement. Car les résultats sont terriblement contrastés et souvent attristants. Et contrairement aux correcteurs des épreuves de maths du bac qui donneront probablement quelques points en plus pour une histoire de fuite sans robinet, nous serons sans pitié.

Ceux qui s’en sortent bien : Bayrou, Mélenchon, Montebourg

Deux qualités communes à ces copies : de l’esprit pratique et une philosophie générale de la crise actuelle. Assez drôle d’ailleurs de retrouver ensemble :

– Le président du Modem, eurobéat intégriste.
– Le candidat du Front de gauche, auto-investi gardien des reliques du nonisme de 2005.
– Le socialiste bon teint, qui a découvert assez tardivement que le protectionnisme était peut-être une chance pour la France et a depuis rattrapé son retard en le relookant façon sexy sous l’appellation fort maline de démondialisation.

Evidemment, les deux candidats de la gauche de gauche proposent des solutions antilibérales pour endiguer la crise grecque et aider ce pays : pour Montebourg, mise sous tutelle des banques avant qu’elles « ne mettent les citoyens et les Etats sous tutelle »; pour Mélenchon, rachat des dettes publiques par la BCE accompagné d’une « dévaluation substantielle » de l’euro (à « moins d’un dollar »). Mais Bayrou n’est pas en reste, et prône la création d’une « caisse commune empruntant au nom des Etats, en bons du Trésor européens ». Le centriste demande aussi que la zone euro soit enfin « gouvernée », ce qui n’est pas très sympa pour MM. Trichet et Von Rompuy.

On peut trouver ces solutions trop extrémistes, ou trop timides. Mais elles sont avancées clairement, étayées solidement et compréhensibles par tous, sans pour autant sonner comme des slogans de fin de meeting ou des petites phrases confectionnées à façon pour passer chez Drucker, Ferrari ou Denisot. Si la volonté politique existait, l’Europe pourrait s’engager dès demain dans chacune de ces trois directions, fût-ce partiellement. A minima, la France pourrait peser en leur faveur, sans qu’il soit besoin de réécrire le TCE ou d’envahir l’Allemagne. Leur créativité, qui contraste avec l’inertie actuelle, vaut doncà nos trois larrons une note honorable, disons entre 14 et 16 sur 20.

Ceux qui récitent le cours : Hollande, Le Pen

Ah, les premiers de la classe… Toujours prêts à dégainer leurs plans en trois parties et à sortir de chic les bonnes citations. François et Marine ont bien révisé mais c’est tout. Dans leurs notes de cours, il n’y avait rien qui leur permette de faire preuve d’un brin d’originalité. Dommage.

Pourquoi faut-il que la présidente du Front National récite par cœur sa liturgie de l’Apocalypse ? « Il n’y a pas de solution pour sortir de cette crise. Ce qu’il faut, c’est anticiper l’effondrement de l’euro et sortir de la monnaie unique. La Grèce n’est pas sauvable. » Certes, comme elle le martèle dans sa copie, elle a probablement été la première à le dire, mais l’intitulé de l’exercice engageait l’élève à envisager des solutions, voire, le cas échéant,à en anticiper les effets. À ne voir partout que des signes de la fin d’un monde,la prophétesse Marine Le Pen oublie d’être concrète et ne pense qu’à s’autocongratuler : prem’s, m’sieur, prem’s !

Atteint du syndrome « Je vous l’avais bien dit », l’élève Hollande pêche par le même travers. Dès le début de sa copie, il perd son temps à dire qu’il faut faire vite, et à cafter ses petits camarades : « Sarkozy et Merkel ont sous évalué la gravité de la crise. » Enarque un jour, énarque toujours, il s’offre même le luxe, très déplacé dans un si petit espace, de nous proposer une introduction générale à la situation grecque, remontant dix-huit mois en arrière – au cas où les lecteurs du Monde ne sauraient pas qu’il y a des problèmes du côté d’Athènes et de Thessalonique…

Se perdre en imprécations et diluer à l’envi alors qu’on demande d’aller droit au but : Le Pen et Hollande méritent à peine la moyenne alors que la question semblait pourtant largement à leur portée.

Le trop doué : Jean-François Copé

Le problème de ceux à qui on a trop souvent et depuis trop longtemps dit et qu’ils étaient doués, c’est qu’ils ne prennent même pas la peine de lire les énoncés et pensent qu’ils s’en sortiront toujours par une pirouette de style Trop intelligents, trop rapides, trop trop. C’est le syndrome Copé, magistralement à côté de la plaque.

Il convient de citer, en entier, la première phrase de sa composition : « Je tiens à saluer le sang-froid et la réactivité de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel, qui ont trouvé une position commune pour aider la Grèce à accélérer son plan de redressement, tout en donnant la possibilité au secteur privé de financer une partie des besoins grecs. » Fayot, va, et pas malin, avec ça, puisque tout le monde s’accorde à dire que la Grèce va encore moins bien qu’il y a quelques semaines. Et le reste du papier est à l’avenant. Le FMI salue la France, la croissance est au rendez-vous, il faut financer notre expansion par le travail et non par la dette. Du blabla qui ne répond jamais à la question : comment sauver la Grèce ? Bref Copé a tout faux. Heureusement qu’on est à l’écrit, sinon, en prime, on aurait eu droit à ses sempiternelles références sportives : « Heu, c’est la Grèce, je vais parler de marathon… ».

Bref, une copie tellement nulle qu’on la croirait écrite par Luc Chatel et relue par Séguéla. Par excès de confiance, mais sans doute aussi parce que, comme tous les gens trop brillants, il nous prend pour des imbéciles à qui il faut donner leurs corn-flakes quotidiens garantis sans OGM, odeurni saveur. Croire que nous sommes tous des glands, c’est vilain, mais laisser deviner qu’on le croit, c’est crétin. Copé, 2/20.



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