C’était à Athènes le 1er juin dernier. Alexis Tsipras, chef du parti de gauche radicale Syriza et grand gagnant des élections législatives du 6 mai dernier, présentait son programme économique à la presse. Direct et sans ambages, Tsifras déclarait que s’il était élu le 17 juin, il annulerait le mémorandum signé en novembre dernier par le gouvernement d’union nationale grec, qui impose au pays un programme de réformes structurelles et de coupes budgétaires lourdes et douloureuses. Or, pour Tsipras, cet accord en contrepartie duquel l’UE et le FMI ont accordé 130 milliards d’euros à la Grèce était « un programme qui mènera le pays droit à la drachme et donc à la sortie de la Grèce de la zone euro ». Ainsi, concluait-il, lors des nouvelles élections organisées pour sortir de l’impasse politique, les citoyens grecs auraient à choisir entre le mémorandum et lui. Tous, même les opposants de Tsipras, admettront que le message était limpide et les alternatives clairement exposées. En écoutant ce discours, les citoyens en quête d’une nouvelle force capable de faire de la politique autrement comptaient bien réenchanter Athènes. Or, à peine quinze jours plus tard, ces esprits contestataires sont de nouveau orphelins…
Car dans son intervention télévisée d’hier, le même Tsipras a délivré un message radicalement différent. Désormais, si les résultats des élections de dimanche lui permettent de créer une coalition, il se donne dix jours pour tout remettre à plat et renégocier avec l’Union Européenne. Il entend ainsi démontrer aux partenaires européens de la Grèce que la politique d’austérité a échoué. Autrement dit, du lundi 18 juin, lendemain des élections, au 28 juin, jour de l’ouverture du sommet européen, il s’attellera à une rude négociation avec les Européens. Et puisque dix jours semblent un peu courts, ceux qui ont l’ouïe fine peuvent observer qu’Alexis Tsipras a d’ores et déjà entamé les négociations par une énorme concession.
Lors de son allocution télévisée, il n’a plus utilisé le verbe « annuler » pour dire ce qu’il ferait du mémorandum honni. A ce terme si radical, Tsifras en a préféré plusieurs autres : « réexaminer , « remplacer » voire « proposer une autre recette afin de servir les objectifs, auxquels nous nous sommes engagés, c’est-à-dire stabiliser l’économie et avoir une dette viable ». Et s’il n’y arrivait pas, et si les Européens disaient non, et si les bailleurs de fonds refusaient toute réelle concession ? Tsipras s’est contenté d’affirmer qu’il vise « le maintien dans l’euro », sans pour autant préciser les modalités d’un éventuel « plan B » permettant à la fois de tenir tête à l’Europe, de rester dans l’Euro et d’éviter la faillite de l’Etat grec.
Où ce jeune homme politique de 37 ans puise-t-il donc tant de sagesse et de modération ? Des sondages pardi ! Fin mai, les enquêtes d’opinion étaient très favorables à Syriza, donné gagnant du scrutin avec 22 % d’intentions de vote. Entre temps, les choses ont évolué, les tout derniers sondages donnant plutôt l’avantage aux conservateurs d’Antonis Samaras. Et face au réveil de la droite modérée, Tsipras se rêve en Premier ministre normal adepte de la synthèse et du compromis permanents. On se demande bien où il va chercher tout ça…
*Photo : PIAZZA del POPOLO
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