Merkel a gagné, Tsipras ne doit pas perdre


Merkel a gagné, Tsipras ne doit pas perdre

Grèce euro Tsipras

Le 26 juin dernier, le Premier ministre grec Alexis Tsipras avait rejeté avec fracas les propositions des créanciers de son pays (UE, BCE et FMI), annonçant dans la foulée la tenue d’un référendum huit jours plus tard. Moins d’une semaine après le « non » des électeurs grecs à ces propositions, Alexis Tsipras a envoyé hier soir aux créanciers ses contre-propositions. Le texte soumis à la troïka, un document de 13 pages intitulé « Actions prioritaires et engagements », propose le deal suivant : en échange d’un financement de quelque 50 milliards d’euros sur trois ans par le biais du MES (le Mécanisme européen de stabilité) déposé parallèlement par le gouvernement, celui-ci accepte presque la totalité de l’offre rejetée il y a quinze jours. C’est autour de ce « presque » que le prochain épisode va se jouer. Commençons par ce que les Grecs ont fini par avaler.

Le taux de la TVA sera relevé à 23% (y compris pour la restauration, imposée aujourd’hui à hauteur de 13%). Quant aux  produits de première nécessité et à l’électricité, le taux restera à son niveau actuel de 13%, ce qui est également le cas pour l’hôtellerie. Les médicaments et les produits culturels comme les livres jouiraient d’un taux réduit de 6%.

En ce qui concerne l’avantage fiscal dont bénéficient les îles (la réduction de 30% appliquée aux taux en vigueur sur le continent), le gouvernement propose de le supprimer d’abord pour les îles les plus touristiques et ensuite pour les autres. Ces positions sont très proches de celles avancées par les institutions le 26 juin.

En matière de fiscalité toujours, le gouvernement dirigé par Syriza propose une hausse de deux points de la taxe sur les sociétés (de 26% à 28%). Pour rappel, c’était exactement ce que proposait la troïka, alors que le gouvernement grec souhaitait fixer ce taux à 29%. A l’origine des différends sur ce point : la position du FMI, qui juge risqué de fragiliser les trésoreries des entreprises grecques, surtout les TPE et PME, quand la logique même du plan de redressement économique repose sur leur capacité à redémarrer rapidement, pour pouvoir exporter et surtout embaucher.

A Athènes, cette logique a probablement été validée car les nouvelles propositions concernant les dépenses publiques suivent le même principe : épargner le secteur privé, rationaliser et assainir le public. Ainsi, sur le dossier épineux des retraites, le gouvernement grec propose de fixer l’âge du départ à la retraite à 67 ans (où 62 ans avec 40 annuités). Le nouvel âge du départ à la retraite sera relevé progressivement sur sept ans.

Le budget militaire, quant à lui, sera réduit de 100 millions d’euros en 2015 cette année et de 200 millions en 2016. Au total, 300 millions d’euros d’économies sur la période, soit 100 millions de moins que la proposition faite par la troïka le 26 juin. Plus généralement, un vaste programme d’évaluation et une réorganisation des services publics sera lancée, avec pour objectifs une rationalisation et bien évidement des économies.

Sur le dossier des privatisations, le gouvernement grec s’engage à vendre ses parts dans le groupe de télécommunications grecques OTE, dont le principal actionnaire est… Deutsche Telekom ! Quant à la privatisation des deux grands ports (Pirée et Thessalonique), le processus, gelé par Syriza, sera relancé avant la fin de l’année.

Si jusqu’alors les Grecs semblent s’aligner plus ou moins sur les propositions rejetées le 26 juin, la situation est moins claire sur deux points importants. Concernant le budget hors service de la dette, Athènes accepte les propositions des créanciers (réaliser un excédent primaire de 1% en 2015, 2% en 2016 et 3% en 2017) avec un « mais », et pas des moindres. Le gouvernement grec signale en effet qu’il faudrait revoir ces objectifs à la lumière de la dégradation de la situation économique, depuis le rejet des propositions des créanciers, l’annonce du referendum et la mise en place du contrôle des capitaux. Autrement dit, Athènes demande à ses partenaires de la zone euro de partager la note du referendum…

Enfin, concernant la dette, les Grecs proposent un mécanisme fixant la dette publique « acceptable » à 180% du PIB, l’excédent étant de fait annulé. Là aussi, il est difficile d’y voir plus clair pour le moment car la négociation n’est pas encore terminée – un sommet européen extraordinaire est programmé dimanche – et il est évident que les deux parties gardent leurs ultimes cartes pour la dernière minute.

La stratégie grecque semble donc consister à faire un grand nombre de concessions importantes sur toutes les questions, sauf celle qui pour Syriza reste essentielle : après avoir lâché sur presque tout, il faut absolument que Tsipras puisse rentrer à Athènes avec un accord sur la dette. En clair : avec quelque chose qui sera vu par le grand public comme un effacement plus que symbolique.

Vu les concessions du Premier ministre grec, la ligne Merkel semble avoir gagné. La question est maintenant de savoir si les tenants de cette ligne laisseront le premier ministre grec sauver la face et donc la légitimité acquise dimanche dernier. Voilà l’enjeu des quelques jours à venir.

*Photo : © AFP Louisa Gouliamaki



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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