Et voilà. Il fallait bien que ça finisse par fuiter. Devinez qui est responsable du bourbier gréco-européen qui n’en finit plus de diviser les observateurs et d’appauvrir les Grecs. Allez, lancez-vous, ne réfléchissez pas. Oubliez les intox dont tous les médias vous abreuvent et dites la première chose qui vous passe par la tête. Vous y êtes ! Les vrais coupables, les seuls, ce sont évidemment les « sionistes », et plus particulièrement les « Rothschild ». Avouez : c’est tellement évident que vous étiez passé à côté.
La réponse ne sort pas d’un blog de sociologue boxeur ou d’un média-à-part, mais de la bouche d’un citoyen lambda (grec, donc…), interrogé alors qu’il faisait la queue devant un distributeur d’Athènes par le journaliste britannique Mike Bird, de Business Insider. Et l’analyste anonyme d’ajouter : « Nous, les Grecs, sommes des Hellènes, le peuple de la lumière. Maintenant nous n’avons plus qu’une petite lueur, pas comme dans les temps anciens. Ils essaient de nous mettre à la porte. »
Peuple élu contre peuple de la lumière, voilà qui est tout à coup beaucoup plus crédible qu’un improbable bras de fer entre Eurogroupe et Syriza, non ? « Ce n’est pas la faute des Allemands, assure notre expert. Ce n’est pas la faute des Européens. Il faut remonter à la source… Ils veulent écraser la Grèce. » Ah, ces salopards de « Ils », ça faisait longtemps qu’« Ils » ne nous avaient pas dégommé une tour jumelle, ou lancé une épidémie de Sida, tiens.
Bon, il faut comprendre l’Athénien de la rue. Après tout, on trouve encore de fins limiers pour juger significatif que Mario Draghi ait travaillé chez Goldman Sachs… Avec ce genre d’argument digne des meilleurs documentaires complotistes, il ne faut pas s’étonner que certains « remontent à la source ». D’après notre Grec nostalgique, tout viendrait donc de la City de Londres, base des sionistes et des Rothschild, qui dirigeraient aussi la Réserve fédérale américaine.
Pour ce genre de zozo, qu’importe si la Grande-Bretagne n’appartient pas plus à la zone euro que les Etats-Unis. On sait bien qu’« Ils » sont partout chez les Anglo-saxons, qui ont inventé le capitalisme mondial, ce système ennemi de la démocratie, pour servir exclusivement les intérêts de qui vous savez : « Ils ». Or leur domination sans partage contraint l’Europe à exécuter servilement tous leurs plans. Israël veut que nous écrasions la Grèce alors nous l’écrasons, avec l’aide des juifs de la City. Et c’est tout.
La loi Macron, du nom d’un autre ancien banquier chez Rothschild ? Ne cherchez pas : encore un coup des sionistes ! TAFTA ? Prononcez-le à haute voix, vous entendrez le nom d’un tissu souvent utilisé dans le prêt-à-porter, notamment par l’enseigne « Taffetas et compagnie » installée… dans le quartier du Sentier, à Paris. On vous cache tout, on vous dit rien. Mais tout n’est pas perdu : une aube dorée pourrait bien finir par illuminer le pays des Hellènes, seule vraie démocratie d’Europe persécutée par dix-huit dictatures sionistes européennes.
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