David Pujadas réunissait mardi soir les principales têtes de liste aux élections européennes sur son plateau. Il y a été beaucoup question d’Ukraine, de Palestine ou de Nouvelle-Calédonie, mais fort peu de nos institutions européennes. Replay et analyses.
Si depuis des décennies, la France imite les États-Unis dans tous les domaines, avec un décalage de quelques années, il y a bien une chose où elle ne suit pas la voie américaine : le vieillissement de sa classe politique. Alors qu’en novembre prochain, le duel Biden-Trump déterminera lequel des deux candidats passera les quatre prochaines années à la Maison-Blanche et lequel les passera à la maison de retraite, la présence des huit têtes de liste principales des prochaines Européennes sur le plateau de LCI, mardi soir, chez David Pujadas, illustre l’impressionnant rajeunissement de la classe politique française. De Raphaël Glucksmann, l’ainé (44 ans) à Léon Deffontaines, 28 ans, tête de liste communiste, en passant par Jordan Bardella, Valérie Hayer, et les autres, la France semble à l’abri de devenir prochainement une gérontocratie.
La gauche ne pense qu’aux Palestiniens
Élection européenne oblige, les sujets internationaux ont vite été sur la table, en premier lieu l’Ukraine et le Proche-Orient. Mais un sujet que l’on pourrait presque qualifier de franco-français s’est aussi invité en cours de route : les tensions en Nouvelle-Calédonie. L’occasion pour les partis qui ont pris les chemins les plus hétérodoxes de rééquilibrer leurs positions : Léon Deffontaines préconise d’armer l’Ukraine, à rebours de son mentor Fabien Roussel qui a déclaré que la livraison de tanks et de missiles participait à l’escalade guerrière. Manon Aubry, pour LFI, se démarquait des propos les plus outranciers tenus depuis six mois par sa formation politique en daignant qualifier le Hamas de « terroriste », tout en soutenant et défendant la numéro six de liste, Rima Hassan. A la manière du Georges Marchais de la grande époque, quand on les enquiquinait un peu trop sur leurs positions les plus controversés, les candidats les plus à gauche étaient venus avec « leur réponse », et, alors qu’on n’en était qu’au premier thème de la soirée, l’Ukraine, l’envie d’en arriver à la Palestine se faisait toujours plus pressante.
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À droite, on apprenait en quasi-direct le divorce de l’AfD et du RN, qui ne siégeront plus ensemble au Parlement. Alors que le parti allemand avait déjà agacé son partenaire en contestant le bien-fondé de la présence de la France à Mayotte, Maximilian Krah, membre du parti allemand, s’est distingué en déclarant qu’un SS « n’est pas automatiquement un criminel ». Il serait bien malheureux qu’au moment où Le Pen père n’a plus la vigueur pour commettre l’habituel dérapage de fin de campagne, que celui-ci vienne désormais d’outre-Rhin ! Alors, expulsion de l’AfD du groupe Indépendance et Démocratie ou bien rapprochement du RN avec le groupe des Conservateurs et Réformateurs européens ? Le mystère de la présence de Marine Le Pen ce week-end aux côtés des Espagnols de Vox, membre de l’ECR, se désépaissirait…
À la recherche du parti de l’étranger
Vladimir Poutine et ses liens supposés avec certains partis autour de la table ont été agités comme une peau de banane. Dans son duel avec Valérie Hayer, Jordan Bardella a voulu rappeler les tentatives d’Emmanuel Macron de maintenir des relations convenables avec le président russe jusque 2022. Au RN, le talon d’Achille désigné par ses adversaires semble être Thierry Mariani, septième de la liste, ancien ministre de Nicolas Sarkozy ; il est désormais présenté comme un agent russe. C’est un grand malheur que de voir des personnalités recrutées par le RN pour leur expérience et leur crédibilité, devenir, au bout de quelques années, des boulets au pied plus certains que les candidats recrutés en interne.
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Le débat, où les accusations d’inféodation à l’étranger allaient bon train de part et d’autre, a pu s’ouvrir sur le sujet néo-calédonien de nouveau au cœur de l’actualité. À droite, Marion Maréchal dénonçait l’émergence d’un « racisme anti-blanc » et de « haine anti-française », et rappelait la souveraineté de la France sur le Caillou, confirmée par trois référendums. La Nouvelle-Calédonie est française, quitte à utiliser l’article 36 de la Constitution. Jordan Bardella a pu éviter de revenir sur le revirement de son parti au sujet du dégel électoral. François-Xavier Bellamy a rappelé la nécessité de respecter les référendums, malgré le mauvais signal donné par le précédent de Notre-Dame-des-Landes (on n’oserait évoquer ici le traité de Lisbonne…). Les formations de gauche rêvent, elles, encore, de « décolonisation ». La question de départ de David Pujadas était de savoir s’il fallait se réjouir de voir le président Macron s’envoler pour l’archipel océanien pour une visite surprise, et contre toute attente, Valérie Hayer a dit oui.
Roulez jeunesse
Huit jeunes gens plein d’avenir, donc. En 2019, les Européennes nous permettaient d’observer les premiers pas de quatre des invités du débat. Bardella est déjà désigné comme futur Premier ministre en cas de victoire de Marine Le Pen en 2027 ou de dissolution auparavant. Aux yeux de l’aile droite des Républicains, Bellamy est pour l’instant prié de rester dans l’ombre de Laurent Wauquiez. Aubry, éloignée à Strasbourg, ne participe pas au vacarme de ses petits camarades LFI au Palais Bourbon et semble (bien) loin de pouvoir supplanter Mélenchon, qui repartira en 2027 pour un dernier tour. Glucksmann a moins l’air d’un étudiant arrivé là par hasard qu’il y a cinq ans et peut imaginer ressusciter un centre gauche écrasé pour l’instant entre Macron et Mélenchon. Et quid des autres ? Léon Deffontaines, 28 ans, a promis qu’il collerait aux basques de Jordan Bardella jusqu’à la fin de ses jours. Quant à Marion Maréchal, elle a ménagé son principal concurrent, le président du Rassemblement national, se distinguant quelque peu de la ligne Knafo-Zemmour, beaucoup plus pugnace…
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