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Un autre Grand remplacement est possible

Regardons de l’autre côté de l’Atlantique


Un autre Grand remplacement est possible
Un touriste Amércain à San Miguel de Allende lors de la Fête des Morts, novembre 2021 © Alexis Brunet

Alors que le Mexique traverse une crise migratoire sans précédent, San Miguel de Allende est un Eldorado pour moult Américains. Reportage.


Chiapas, extrême sud du Mexique, nuit du samedi au dimanche 31 octobre. La Garde Nationale, force armée créée il y a deux ans par l’actuel président AMLO (Andrés Manuel López Obrador) ouvre le feu sur une camionnette. À bord, une vingtaine de migrants. Deux Cubains, dont une femme, rendent l’âme. Les tireurs argueront que le véhicule souhaitait échapper à un contrôle. Deux jours plus tard, le président de gauche apparaît à la télévision. La mine peinée, cherchant ses mots, il annonce que les militaires fautifs seront traînés devant la justice. Le surlendemain, des centaines de migrants attaquent la Garde Nationale avec des pierres et d’énormes bâtons. Sur les images retransmises par la télé mexicaine, une femme en uniforme échappe de peu à un lynchage par une meute d’hommes surexcités.

Alors que des milliers de réfugiés affluent chaque jour du sud du Mexique pour gagner les États-Unis, le Chiapas a de plus en plus l’air d’un Lesbos d’Outre-Atlantique. Quittons donc cette orageuse contrée. Partons à 1200 km au nord-ouest, là où le soleil est bien plus sec. San Miguel de Allende, État de Guanajuato, centre du Mexique. Lors du dernier recensement, on comptait 175 000 habitants. Depuis Celaya, cité moderne d’un demi-million d’habitants, il faut compter une petite heure de route et quelques canyons. Sitôt passé le maigre périphérique, le passant apercevra des grappes de retraités américains soudées aux terrasses. San Miguel de Allende séduit l’Amérique. Fondée en 1542 par le frère Juan de San Miguel, la bourgade fut élue « meilleure ville du monde » par les lecteurs du magazine Travel and Leisure en 2017, en 2018 et encore cette année.

Une enclave américaine au Mexique

Arrivé en Nouvelle-Espagne en 1529, le franciscain a consacré sa vie à apporter la bonne parole aux indigènes. Solidement ancrée sur la place principale, une statue lui rend hommage. Un Indien se blottit contre les jambes de son bienfaiteur. Jusqu’à présent, aucun épurateur n’a souhaité le remplacer. À deux pas, la cathédrale baroque de l’archange Saint-Michel trône tout de rose. Son exubérance épate le badaud. Est-ce son air de château de la Belle au bois dormant un brin déjanté qui plaît tant aux Américains ? Toujours est-il qu’on entend plus parler anglais qu’espagnol un lundi de Toussaint, à San Miguel de Allende. Avec dix-mille résidents étasuniens à plein-temps recensés (et beaucoup plus à mi-temps), l’heureuse élue à la réputation d’être une enclave américaine au Mexique. Un Eldorado pour migrants au teint rouge et aux cheveux blancs.

Touristes Amércains devant la cathédrale de San Miguel de Allende, novembre 2021 © Alexis Brunet

Qu’en pensent les Mexicains ? Si beaucoup ont l’impression que la ville leur a été spoliée, difficile de bouder les liasses de dollars qui inondent ses commerces. Avec ses terrasses branchées, ses galeries d’art et sa bouffe multiculturelle, le centre-ville a des allures de quartier latin un samedi d’été. Climat ensoleillé sans humidité, coût de la vie bien moindre qu’à Miami, jolies (et sveltes) pépés à la peau hâlée, San Miguel de Allende sait parler aux nouveaux arrivants en quête d’une vie meilleure, à ceux qui se moquent d’être pris pour des ploucs sans profondeur.

À nous de leur faire préférer la France

Ce que le jardin d’Eden de ces retraités a perdu en authenticité, l’a-t-il gagné en sécurité ? Jadis paisible, l’État de Guanajuato est devenu le champ de bataille de deux cartels : le joliment nommé Santa Rosa et celui au nom plus adolescent, Jalisco Nueva Generación. Tous deux se disputent le marché des drogues de synthèse depuis trois ans. Rythmée par des règlements de compte, l’année 2020 a été particulièrement pénible pour les habitants d’Irapuato, Salamanca et Celaya, principales cités industrielles de l’État de Guanajuato. Beaucoup accusent le président AMLO d’indifférence face aux fusillades des narcotrafiquants. Située juste au nord-est de ce croissant rouge, San Miguel de Allende a longtemps fait figure de bunker matelassé au milieu d’une région désormais mouvementée. Un cocon pour aventuriers en quête de réconfort.

Si elle échappe pour l’heure aux règlements de compte qui ont ensanglanté ses voisines, sa tranquillité a été entachée par quelques séquestrations (accompagnées parfois de torture) ces dernières années. Des bribes de films d’horreur qui ne semblent pas chambouler l’épanouissement des nouveaux arrivants au Mexique. En témoignent ces quelques clichés. Un changement de peuple qui rime avec quiétude et prospérité (et chrétienté, qui plus est). La moins pire des solutions finalement ?

Dans ce cas, à nous de leur faire préférer la France.




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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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