Femmes de tous les pays, unissez-vous ! L’injonction marxiste aura trouvé un nouveau champ d’application ce mardi lors des Assises pour l’abolition universelle de la maternité de substitution. Venues d’Italie, d’Allemagne, d’Autriche, de Suède, de Suisse, ou même d’Inde, des militantes anti-Gestation pour autrui dessinent un mouvement international.
En France, le CoRP (Collectif pour le respect de la personne) mène la fronde contre une pratique aux enjeux devenus internationaux : depuis une décision de la Cour de Cassation, les quelque deux mille enfants nés à l’étranger de « l’insémination » d’une mère porteuse, souvent américaine, par le sperme d’un donneur hexagonal sont inscrits à l’état civil. Une jurisprudence qui reconnaît indirectement la légitimité de la GPA, par ailleurs toujours interdite en France.
« Nous avons à faire à un asservissement nouveau »
« Ces assises sont un nouveau départ. Nous avons à faire à un asservissement nouveau » lance tout de go Sylviane Agacinski. Entourent la philosophe des femmes aux arguments et motivations divers. Sous un même drapeau, plusieurs couleurs : Maya Surduts est présidente de la CADAC, (Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception), une autre représente le CLF (Coordination lesbienne en France), Marie-Jo Bonnet ancienne du MLF et des Gouines rouges, la politologue suissesse Regula Stämpfli et bien d’autres . Une anonyme me murmure que parmi ces opposantes à la GPA, certaines divergent sur d’autres combats: l’avortement, l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe, le mariage pour tous, etc. L’opposition à la GPA et le refus de la commercialisation du corps les réunissent.
« Le corps d’une femme n’est pas un four.»
Autour du principe d’indisponibilité du corps humain, les arguments contre la GPA font florès. « Le processus de la maternité est découpé en morceaux lors d’une GPA », avance une déléguée italienne. « On détruit l’unité de la maternité, ininterrompue par nature ». Et la militante de faire comparaison raison : « Le corps d’une femme n’est pas un four.» Impensable d’y multiplier les pains. Aux yeux d’une autre participante italienne, la maternité est un miracle, et la relation filiale, unique, ne saurait souffrir une marchandisation du corps digne des pires cauchemars de Karl Marx. Car, en Inde, les cliniques ne font pas grand cas des femmes qui portent un enfant qu’elles se voient arracher à la naissance, témoigne le docteur Sheela Saravanan, militante assidue contre le trafic de mères porteuses et les infanticides de filles en Inde.
Dans les cliniques indiennes, les « mères porteuses », recrutées parmi les plus démunies ingèrent des hormones à haute dose neuf mois durant contre 2000 à 3000 euros pour une naissance. Aucun registre n’existe pour déterminer à quelle fréquence ces femmes s’exécutent dans l’unique but de nourrir leur famille. « L’attachement à l’enfant est systématique », atteste le médecin indien qui a suivi certaines d’entre elles. « Le consentement à 100 % n’existe pas », déplore encore Sheela Saravanan. En octobre dernier, l’Inde a interdit la GPA aux étrangers. Allemands, Américains, Britanniques ou Australiens s’y ruaient tant le prix d’une naissance y est attractif.
Beauvoir : « les femmes sont d’abord liées à leur classe »
Dans cette nouvelle économie Nord/Sud, celle d’une exploitation des plus pauvres par les plus riches, on songe à la phrase de Simone de Beauvoir : « les femmes ne sont pas solidaires en tant que sexe : elles sont d’abord liées à leur classe ; les intérêts des bourgeoises et ceux des femmes prolétaires ne se recoupent pas » (Le deuxième sexe). Fidèle à cet esprit, si Regula Stämpfli dénonce « une appropriation du corps par l’économie », son regard sur la GPA détonne au sein du collectif. Pour la politologue suissesse, la gestation pour autrui est par principe acceptable « si elle est rare » et exercée dans le cadre d’une société égalitaire et d’une communauté affective. Telle les anciennes responsables de kibboutz, Stämpfli enterre ainsi la question de la filiation : « L’enfant appartient avant tout à une société, la privatisation de la relation parent-enfant n’a pas lieu d’être ». Pour cet apôtre de la République de Platon, la pratique d’une GPA de masse est « antimoderne ». « Avant la révolution française, cette pratique d’avoir un enfant par une autre femme d’une condition inférieure existait déjà », confie l’historienne, avant de conclure : « La GPA est une nouvelle servitude ». Un néocolonialisme que dénonce ardemment Sylviane Agacinski : « Nous ne pouvons pas continuer de nous désintéresser de la situation des femmes les plus pauvres dans le monde. Il faut prendre conscience de l’asservissement ». Pour agir, la lutte ne peut être que globale : « Seuls des accords européens et internationaux peuvent mettre fin à cette pratique sociale indigne ».
Au sein de l’Union Européenne, seul le Parlement s’est prononcé sur la question de la gestation pour autrui. En décembre dernier, l’instance a adopté dans son rapport annuel sur les droits de l’homme, une proposition de résolution condamnant la GPA, rémunérée et gratuite, jugée contraire à «la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises». Cette condamnation ne revêt toutefois aucune valeur normative. Dès lors, l’espoir des anti-GPA se tourne vers le Conseil de l’Europe. En novembre dernier, l’institution intergouvernementale (qui n’a rien à voir avec l’UE) devait se prononcer sur la notion de « GPA éthique » – pratique non rémunérée sur la base du volontariat.
« La propagande des entreprises de bioéthique est terrible »
Mais, dans son traitement de la GPA, le Conseil de l’Europe a été accusé de « manquement aux règles de déontologie ». En ligne de mire, Petra de Sutter, sénatrice belge désignée rapporteur du rapport « Droits humains et questions éthiques liées à la gestation pour autrui » au sein de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Cette femme politique et gynécologue est soupçonnée de conflit d’intérêt car elle accompagne des mères porteuses à l’hôpital de Gand et travaille avec la clinique indienne Seeds of Innocence où la GPA est rémunérée. « Les membres de cette commission sont partisans de la GPA », accuse la philosophe Sylviane Agacinski. « Au sein des institutions européennes, la propagande des entreprises de bioéthique est terrible, elle a plus d’audience dans la presse que les défenseurs des droits de l’homme, de la femme et de l’enfant ».
Instrument politique, une charte pour l’abolition universelle de la maternité de substitution a été signée ce mardi en présence de personnalités politiques de gauche telles qu’Elisabeth Guigou, Laurence Dumont, José Bové et Benoît Hamon. Dans un premier temps favorable à une GPA « maîtrisée » en 2011, Manuel Valls avait fait volte-face lors de la Manif pour tous en 2013, dénonçant « une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes ». Monsieur le Premier Ministre, qu’en dites-vous aujourd’hui?
*Photo: Free Stock Photo.
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