Après avoir été chercher un proche d’Alain Juppé pour occuper Matignon, Emmanuel Macron a donc poursuivi son travail de sape pour provoquer une fracture au sein de la droite. Pour composer son premier gouvernement, il est allé chercher un candidat à la primaire de celle-ci, Bruno Le Maire, et un sarkozyste rebelle, Gérald Darmanin, que Causeur connaît bien. Ces deux-là, qui avaient signé l’appel à saisir la main tendue par le nouveau président avec d’autres personnalités, telles NKM et Jean-Louis Borloo, se partagent Bercy. Ce sont eux qui devront appliquer et assumer les politiques de réduction des déficits et les coupes budgétaires qui vont avec. Mais après tout, ils soutenaient le programme analogue de François Fillon en la matière.
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Parmi les poids lourds, la désignation du proche parmi les proches du président, Gérard Collomb, à l’Intérieur, rappelle celle de Michel Poniatowski par Valéry Giscard d’Estaing. En bon connaisseur de l’histoire du chiraquisme, Edouard Philippe doit déjà être sur ses gardes. François Bayrou aurait été logique à Matignon, étant donné le rôle stratégique qu’il a joué dans la campagne d’Emmanuel Macron ; à partir du 23 février, date de son ralliement, le candidat En Marche ! n’a plus quitté les deux premières places dans les sondages. Mais le maire de Pau constituait sans doute une véritable muleta devant les électeurs de droite dans la perspective des élections législatives. La place de Garde des Sceaux et la défense du projet de moralisation de la vie publique qui lui est cher consoleront largement ses rares supporters regroupés dans le MoDem, qui place aussi Marielle de Sarnez auprès de Jean-Yves Le Drian, le nouvel occupant du Quai d’Orsay.
Monsieur Hulot et les technos
Mais la plus grosse prise constitue sans doute l’arrivée du médiatique Nicolas Hulot, que tous les présidents ont tenté de recruter depuis une quinzaine d’années. Emmanuel Macron, pourtant réputé modérément écologiste, y est parvenu. Preuve que ses capacités de séduction en tête-à-tête ne constituent pas une légende urbaine. Nous nous interrogeons davantage sur la nomination de Sylvie Goulard, spécialiste de la machinerie bruxelloise à l’Hôtel de Brienne, et ce d’autant plus que l’on revient à l’occasion à la vieille appellation gaullienne de ce poste régalien : exit le ministre de la Défense, bienvenue au ministère des Armées. On note aussi la nomination de nombreux technos : un ancien haut-fonctionnaire de l’Education nationale, rue de Grenelle, la présidente de la Haute Autorité de santé, à la Santé, une présidente de fédération d’associations sur le handicap, au Handicap, etc… On nous dira qu’il s’agit de personnes compétentes à leur poste ; on rétorquera qu’il n’est pas impossible que ces personnalités deviennent otages de leurs administrations ou de leurs clientèles respectives.
Ne perdons pas de vue que ce gouvernement a une durée de vie très courte. Les élections législatives rebattront forcément les cartes. Selon les défaites éventuelles de ministres dans la bataille, que le président obtienne une majorité ou non, relative ou absolue, constitueront autant d’éléments qui bousculeront le Meccano présenté aujourd’hui. La campagne des législatives semble être encore plus incertaine que l’élection présidentielle, d’autant que la décomposition de notre système partisan n’ajoute pas à la visibilité des électeurs. Au moment où le FN est fragilisé, le PS en voie de disparition, LR en pleine implosion, France insoumise en délicatesse avec le PCF et où les candidats LREM semblent largement inexpérimentés, bien malin qui peut prévoir la composition de la prochaine Assemblée nationale. C’est sans doute pour répondre à cette incertitude qu’Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont peaufiné les équilibres dans leur liste.
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