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Good Bye Berlin!

"Berlin Berlin" au théâtre Fontaine, à Paris


Good Bye Berlin!
© Bernard Richebé

Berlin Berlin, la nouvelle comédie de Patrick Haudecœur et de Gérald Sibleyras mise en scène par José Paul met le feu au Théâtre Fontaine.


Le théâtre, c’est du rythme et de l’esprit, l’un ne va pas sans l’autre. La rapidité sans la maîtrise de l’adhérence est le b.a.-ba des bons pilotes de rallye. Préparez-vous à une spéciale chronométrée du Monte-Carlo dans les fauteuils rouges du Théâtre Fontaine. Les virages vous arrivent en pleine figure aussi vite que les répliques. Pif-paf côté cour, enchaînements virtuoses côté jardin. Patrick Haudecoeur et Gérald Sibleyras, deux maîtres de l’humour à fragmentation désopilante ont mis un tigre dans le moteur de cette pièce qui se dégoupille comme une poupée russe.

Comédie policière

Sa mécanique d’entraînement, au-delà de la drôlerie et de la finesse de l’écriture, est d’une précision allemande. Rassurez-vous, elle fonctionne mieux qu’une poussive mais néanmoins résiliente Trabant. Vous embarquez à la fois chez Philippe de Broca pour un gymkhana infernal d’une heure quarante minutes, et aussi chez Les Branquignols pour la satire domestique, sorte de soupe Soljanka relevée de mauvaise foi. C’est comme si L’Homme de Rio installé à Berlin-Est voulait passer à l’Ouest. Ce Cours après moi que je t’attrape à la mode bolchévique est la révélation de la rentrée.

Préférez cette comédie policière à l’espionnite ménagère qui met le Théâtre Fontaine en transe aux interminables débats électoraux qui polluent la télé, cet hiver. Berlin Berlin a les moyens de vous faire sortir de chez vous ! Emma (Anne Charrier) et Ludwig (Patrick Haudecoeur) arriveront-ils à franchir le mur par le passage secret situé dans l’appartement de la mère de Werner Hofmann, agent assermenté de la Stasi (Maxime d’Aboville) ?

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Ce nid d’espions sur Bernauer Straße s’articule comme une fuite en avant, où la bassesse et les trahisons inhérentes aux régimes totalitaires révèlent toute leur tragédie comique. La farce de la police politique est sans fin. Il faudrait retourner plusieurs fois au théâtre pour apprécier toutes les subtilités du texte, tous ces rhizomes qui font la cohérence de la pièce. Le rythme assurément est là, tonitruant, percutant, haletant ; l’esprit français, la vanne déconnante et persifleuse aussi ; et surtout, la fluidité. On oublie trop souvent la fluidité d’une pièce, son ruissellement qui happe et submerge le public, l’attache et l’évade, le sort de sa torpeur quotidienne.

La Stasi au rendez-vous

Cette fantasia chez les Ossis repose sur des comédiens affûtés, ils ont du souffle et du ressort. Patrick Haudecoeur est un Jean Carmet lunaire et pleurnichard, tendre et lâche, rêveur et éternel défaitiste face à une existence en cul-de-sac. Une vraie mascotte des tortionnaires. Maxime d’Aboville, Don Juan du réalisme socialiste, accumule bêtises et certitudes avec une force diabolique, quel régal de voir cet amoureux éconduit ! Toute la distribution assure le spectacle, Loïc Legendre à la voix sirupeuse et suspecte ou encore l’excellente Marie Lanchas en colonel de la Stasi mélomaniaque font des merveilles.

© Bernard Richebé

Et puis, il y a la reine Anne Charrier, elle ferait du bobsleigh que je la trouverais toujours aussi séduisante. Elle glisse sur la scène, en talons plats et trench voltigeur, telle une Audrey Hepburn boulevardière. Et quand elle feint l’émotion, son vibrato ferait tressaillir un commando de légionnaires. Elle a cette grâce suspendue qui éclate dans les rires et les interrogations. Le talent ne s’explique pas, il est injuste, par nature.

Espions contre l’ennui

Souvent la comédie à gros traits est laide, inesthétique dans ses décors et son traitement visuel. Elle compte seulement sur la blague grossière pour sauver les meubles. C’est une erreur que ne commettent pas Édouard Laug au décor, Juliette Chanaud aux costumes, Laurent Béal à la lumière et Michel Winogradoff à la musique. Avec l’usage parcimonieux de la vidéo, on voit le mur s’élever et la fronde intérieure se soulever. Dès les premières minutes, le public adhère à la beauté de ce projet original. Berlin Berlin est du théâtre populaire contrairement aux démocraties ou aux primaires du même nom. Un théâtre qui combat l’ennui intelligemment, qui n’instrumentalise pas pour la gloriole et qui emporte par son mouvement salvateur. La vie des autres est assurément plus drôle avec toute cette troupe.



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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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