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Goncourt de circonstances


Goncourt de circonstances

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La France est monstrueuse. Il y aurait des montreurs de pays, comme il y eut des montreurs d’ours ou de femmes à barbe, on exhiberait ses difformités sur les foires. Les badauds s’amasseraient et, vite saisis d’effroi, ils iraient dégueuler cette horrible vision dans un coin. On ferait payer l’entrée, bien sûr, et l’on s’enrichirait, car il est dans la nature humaine de prendre plaisir à vomir la France. Ce serait Freaks tous les jours et à guichet fermé. La monstrueuse parade.

Les peuples du monde ont bien essayé, au cours de leur histoire, de faire quelque chose pour la France. Nous autres Allemands n’avons pas été en reste et, deux ou trois petites fois, nous avons tenté l’impossible pour mettre un peu de civilisation dans une monstruosité pareille. Rien n’y fit : la France accoucha de l’hydre sarkozyste.

L’hydre sarkozyste, c’est un truc plus petit que la normale, mais terrible quand même. Les totalitarismes du XXe siècle, la guerre, la barbarie, ça n’est rien à côté. Staline faisait taire ses rivaux à coup de pic à glace, pas en les battant sauvagement à chaque élection. Pol Pot ne voulait castrer personne chimiquement ; il se contentait de ranger les gens sagement dans un charnier. Qui n’a vu Patrick Devedjian s’exprimer au sujet de la relance ne sait pas ce que la férocité veut dire. Qui n’a pas frémi en écoutant un jour Frédéric Lefebvre parler de Ségolène Royal ne connaît pas la terreur.

Et ce n’est pas tout ça. Le plus monstrueux, c’est que la France est un pays raciste. Ça doit provenir du fait que son président est d’origine hongroise. Je ne vois pas d’autre explication. Il n’y a pas pire raciste que les Hongrois, mis à part les Italiens, les Anglais, les Suisses, les Polonais, les Russes, les Chinois, les Marocains, les Albanais, les Danois, les Grecs, les Roumains, les Autrichiens. Non, pas les Autrichiens, ça leur arrive parfois d’être assez ouverts à d’autres cultures, notamment lorsqu’elles sont allemandes.

Le fait est qu’en France ce n’est pas demain la veille qu’on confiera un poste en vue à des femmes, des gens de couleur ou à des homosexuels. J’en discutais la semaine dernière avec Frédéric Mitterrand et Harry Roselmack, qui me disaient qu’il n’y avait malheureusement aucun écrivain noir en France, avant que Pierre Bergé ne vienne nous interrompre en nous traitant de « myopathes » – ce à quoi nous lui avons rétorqué : « C’est celui qui dit qui est. »

Si je n’étais déjà pas allemande et que je ne vivais pas à Stuttgart, je prendrais mon courage à deux mains, franchirais le Rhin et irais m’installer loin de France, pour ne pas avoir à vivre dans pareil pays.

Maintenant, c’est pas tout ça. J’ai fait mes lignes. A quel guichet je m’adresse pour mon Goncourt ?

Décembre 2009 · N° 18

Article extrait du Magazine Causeur



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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