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Goethe, les garçons et les filles

Le billet du vaurien


Goethe, les garçons et les filles
© ICONO/SIPA Numéro de reportage : 00363402_000002

Le billet du vaurien


Dans Poésie et Vérité, souvenirs de sa vie, Goethe évoque sur un ton très naturel sa bisexualité : « C’est vrai que j’ai fait l’amour aussi avec des garçons, mais je leur préférais les filles, car quand elles me lassaient en tant que fille, je pouvais m’en servir en tant que garçon. » Voilà une confidence qui ferait sourire Gabriel Matzneff et qui me laisse indifférent, n’ayant jamais partagé ce goût pour les garçons dont, par ailleurs, Goethe se plaint en disant qu’ils sont souvent mal élevés et sans gêne, agissant en tyrans comme s’ils étaient les maîtres. Et, la nuit, Dieu qu’ils sont encombrants : « Combien de fois n’ai-je pas été expulsé de ma couche pour me retrouver par terre ! », se plaint-il.

L’amour glu

Ce qui, en revanche, ne lui est jamais arrivé avec une fille, ses maîtresses préférant souvent dormir au pied de son lit, tel un chien veillant sur son maître, ce qui n’est pas un avantage négligeable, ajoute-t-il, surtout pour lui qui a un sommeil léger. Oserai-je avouer que mon expérience personnelle confirme celle de Goethe : rien de pire qu’une fille qui veut dormir collée contre vous. Ce n’est plus de l’amour, c’est de la glu.

Ce qui a séduit Goethe chez sa future épouse, Christiane Vulpus, c’est sa grâce équivoque, quasi hermaphrodite, son corps qui ressemble à celui d’un jeune garçon. Il goûte son côté femme-enfant et la traite comme telle. Il est ému par ses fautes d’orthographe et par ses taches d’encre d’écolière. Mais la grâce hermaphrodite de Christiane Vulpus disparaîtra bien vite sous des couches de graisse. Elle est un véritable cordon-bleu selon Goethe, cuisinant à merveille des plats succulents auxquels elle sacrifiera son culte de la minceur et du même coup l’ardeur qu’elle inspirait à Goethe qui reviendra à ses anciennes amours, la fidélité n’ayant jamais été son fort.

Quand sonne l’heure de la fermeture

Paul Valéry expliquait sa versatilité sentimentale par une quête éperdue de l’éternel féminin dont chacun pressent la vanité, mais à laquelle nul ne veut renoncer. Et Goethe moins que quiconque, lui qui, à soixante-quatorze ans, rêve encore de posséder Ulrike von Levetzow, une gracieuse adolescente qu’il demandera même solennellement en mariage. Hélas pour lui il se heurtera à un refus : c’est à ce genre d’humiliations qu’on se rend compte que l’heure de fermeture a sonné.

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