Le principe de précaution nous fait diaboliser le glyphosate alors qu’aucune étude scientifique sérieuse n’a jamais prouvé sa nocivité.
Alors que l’UE vient de décider de renouveler l’autorisation du glyphosate pour cinq ans, après deux ans de discussions, la situation de l’herbicide en France n’est pas prête de s’améliorer. Et les dernières déclarations du président Macron ne vont pas dans le bon sens. « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ». Et Matignon d’en rajouter une couche : « La France entend continuer, avec d’autres États membres, à peser au niveau européen pour que la Commission mène des études supplémentaires sur la dangerosité du produit et sur les alternatives pour les agriculteurs ».
Pas de lien établi entre cancer et glyphosate
Mais des études supplémentaires sont-elles seulement nécessaires ? Le glyphosate est en effet utilisé depuis quarante ans et fait l’objet d’une vaste étude scientifique qui conclut, pour une écrasante majorité, à sa non-toxicité. La plus récente d’entre elle (une étude américaine menée sur une cohorte de 54000 agriculteurs sur une période de plus de 20 ans) a également conclu à l’absence de liens entre cancer et glyphosate.
En Europe, le principe actif de la molécule a été évalué la première fois par le BfR allemand qui a transmis le dossier à l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Celle-ci a compilé l’ensemble des études faites sur le produit. Les autres agences : USA, Japon, Australie etc. ont abouti aux mêmes conclusions : le glyphosate ne présente aucun signe de dangerosité et n’est probablement pas cancérigène. En 2015, une étude du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC – agence de l’OMS), a fait classer le produit 2A : cancérigène probable, au même titre que la viande rouge. Cette étude a suivi les conclusions d’une ONG écologique. L’AFSE l’a prise en compte. La partialité du rapporteur du CIRC, qui aurait supprimé certaines données n’allant pas dans le même sens, et qui serait en cheville avec des cabinets d’avocats américains qui lancent actuellement des class actions contre Monsanto n’entrera pas plus en ligne de compte que la partialité des « lobbys » industriels et agricoles qui font le forcing pour faire accepter le produit. La situation, ubuesque, a été parfaitement décrite par le chercheur du CNRS Marcel Kuntz, dans une tribune pour l’Opinion.
Les avocats avides qui tentent d’associer le cancer de leurs clients au glyphosate savent très bien ce qu’ils font : il est impossible de prouver quoi que ce soit. Les produits cancérigènes à divers degrés nous entourent quotidiennement et le mode de vie des gens et leur patrimoine génétique jouent aussi. Sur des soupçons aussi minces que l’étude du CIRC, qui ne donne aucun seuil de dangerosité (or, et il faut le marteler, tout est question de dose), aucun juge ne peut se prononcer avec certitude, ni dans un sens ni dans l’autre. Ce sera donc un jugement en fonction des « opinions » du jury. Tout dépendra donc, non pas de données objectives qui n’existent pas, mais du talent de l’avocat pour exploiter les peurs.
La médiatisation de la peur
Nous vivons dans un monde ultra-médiatisé, et la peur fait vendre du papier. Les gens sont prêts à tout accepter, sans sens critique, si le message qu’ils reçoivent correspond à ce qu’ils désirent entendre, ou ce qu’ils craignent. Or, au jeu de la crainte déraisonnée, les ONG sont très fortes. Conséquence de quoi, le charlatanisme a de beaux jours devant lui. Mais hélas, la fabrique de la peur ne s’arrête pas à la porte des devins de mauvais augure : la télévision d’État reprend ces discours alarmants à son compte. Plus grave encore, le gouvernement français (et d’autres, soyons justes) laisse entendre, en condamnant la réautorisation de Bruxelles du glyphosate, que les agences gouvernementales seraient moins crédibles que des ONG. Dans ce cas, à quoi servent-elles ? Faisons-en l’économie puisque nous n’avons pas l’intention de les écouter !
Afin de faire taire les polémiques, l’EFSA a d’ailleurs accepté de fournir un plafond d’exposition au produit en se basant sur la seule étude à charge, celle qui avait donné lieu à la publication du CIRC. Elle propose 0,5 mg/kg de masse corporelle par repas (soit 25 mg pour une personne de 50 kg, ce qui correspond à une considérable quantité de nourriture) comme plafond de résidu dans les aliments et 0,1 pour les utilisateurs, c’est-à-dire ceux qui épandent le glyphosate. Mais il semble que ça ne suffise pas aux ayatollahs du « tout naturel » qui ignorent que les solutions qu’ils préconisent ne sont pas forcément moins nocives que les solutions industrielles.
Tout est potentiellement dangereux
Notre président invoque le principe de précaution pour interdire purement et simplement un produit que toutes les agences du monde considèrent comme sans danger. À ce compte-là, tout est potentiellement dangereux et le contraire est totalement improuvable. Il faut donc purement et simplement arrêter de se nourrir, ce qui n’ira pas sans poser d’autres sortes de problèmes.
C’est d’autant plus curieux qu’Emmanuel Macron passe son temps à se dire européiste, à tel point qu’il est même prêt à renoncer à l’armée française pour une armée européenne (peut-être a-t-il un peu peur de nos généraux qu’il malmène inconsidérément) et qu’il plaide pour une Europe supra nationale. Alors s’il croit tant à la suprématie des institutions européennes, pourquoi réclame-t-il des interdictions basées sur les croyances de son ministre et non sur des études scientifiques ?
La tyrannie du pathos
Notre président fonctionne-t-il au pathos, à l’irrationnel ? Il sera toujours impossible de dire qu’un produit n’est jamais toxique pour personne, en aucune circonstance, même en quantités infimes : comment le prouver ? Tant qu’on n’a pas vu quelqu’un tomber malade, peut-on prédire que ça n’arrivera jamais ? Et inversement si un cas se présente, pourra-t-on prouver de façon certaine que la cause de sa maladie n’est pas liée au produit concerné ?
Raisonner autrement qu’avec son cerveau, faire interdire un produit par « précaution » peut partir de très bonnes intentions, mais ce sont précisément ce genre d’intentions qui pavent l’enfer.
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