La dénonciation du « globish » − petit nom du global english, autrefois connu sous le patronyme plus neutre de basic english ou sous celui, moins amène, de broken english − semble être, avec celle des biberons au bisphénol ou du dopage sur le Tour, l’un de nos trop rares objets de consensus franco-français.
L’unanimité est souvent mauvaise conseillère. Je ne défendrai évidemment pas la loi Fioraso et ses perspectives grotesques de facs anglicisées. Mais dans la vie extra-universitaire (si, si, ça existe !), non seulement le globish est utile, mais il devrait être obligatoire. Eh oui, amis puristes, il est utile, le cas échéant, de pouvoir trouver le baggage claim de l’aéroport d’Oulan-Bator sans risquer de se retrouver dans les lavabos des hôtesses – quoique.
J’aggraverai mon cas en suggérant, au nom de la courtoisie française, que l’enseignement de l’anglais minimaliste devrait être obligatoire pour tous nos concitoyens, ne serait-ce que pour être à même de renseigner un étranger égaré – lesquels, il faut s’y résoudre, ne sont pas titulaires de l’agrégation de lettres classiques.
Comme je ne suis pas payé au mot, je ne vous déroulerai pas ici la liste des occurrences où ce baragouin rudimentaire peut rendre de vrais services. D’autant que j’entends déjà le chœur des puceaux effarouchés me reprocher d’échanger la France éternelle contre un plat de lentilles, ou plutôt un bol de chili con carne : en choisissant de privilégier un avatar de la langue de l’« Empire », je consolide de fait la domination de celui-ci.[access capability= »lire_inedits »]
Ainsi, pour Bernard Cassen, fondateur d’Attac, cité par Wikipedia dans son excellent article sur « l’impérialisme linguistique », la messe est dite : « La puissance impériale américaine ne repose pas seulement sur des facteurs matériels (capacités militaires et scientifiques, production de biens et de services, contrôle des flux énergétiques et monétaires, etc.) : elle incorpore aussi et surtout la maîtrise des esprits, donc des référents et signes culturels, et tout particulièrement des signes linguistiques. »
C’est écrit au fer à repasser, mais ce n’est pas tout à fait faux : qui niera que les Américains se félicitent de cette prévalence de l’anglais ? Sauf que nos alterlinguistes surconscientisés ne nous suggèrent jamais de solution pratique pour partir en voyage ailleurs que chez soi. On fait comment, dans la vraie vie, doc ? Hélas, le bon sens étant le cache-sexe du totalitarisme, ce rappel au réel n’empêchera pas Cassen ou ses clones de droite de nous mettre en garde contre toute concession à l’impérialisme culturel US.
Sache-le, ami dragueur de terrasse, quand tu susurres à l’oreille d’une accorte Lettonne: « Do you want to drink a beer with me ? », c’est Che Guevara que tu rassassines.[/access]
*Photo : Les gendarmes à New-York
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