Alors que Mario Draghi a été écarté du pouvoir le 20 juillet et que des élections anticipées vont se tenir le 25 septembre en Italie, la cheffe de la droite radicale Giorgia Meloni a des chances de devenir la future dirigeante du pays. Avec un discours pas toujours favorable à la France.
Une alliance allant de la gauche radicale à l’extrême-droite en passant par la gauche modérée et le centre, ça ne peut que mal finir. Rien ne va plus en Italie : les élections s’enchaînent et aucune coalition ne semble capable de se maintenir durablement au pouvoir dans un contexte d’inflation, d’explosion de l’immigration, de la délinquance et de liens complexes avec l’Union Européenne.
Meloni pas prête à des compromis à la Salvini avec le Mouvement Cinq Étoiles
Récemment, c’est le centriste et ex-directeur de la BCE Mario Draghi, arrivé au pouvoir en février 2021, longtemps encensé par Emmanuel Macron et l’Union européenne, qui en a fait les frais. Dans sa coalition, on retrouvait tous les partis italiens, à l’exception notable de Fratelli d’Italia dirigé par une certaine Giorgia Meloni. Tout au long de l’année 2022, le chef du Mouvement Cinq Étoiles (populiste de gauche), Giuseppe Conte, a enchaîné les postures sceptiques envers l’action de son gouvernement, avant d’être suivi en juillet par la première force politique du pays, la Ligue du Nord de Matteo Salvini.
A lire aussi : Royaume-Uni: Truss et Sunak, des anciens collègues qui se déchirent
Dans ce panier de crabes, une personne tire donc son épingle du jeu. Elle s’appelle Giorgia Meloni, a 45 ans et se revendique comme étant « une femme, une mère, chrétienne[1] ». Nationaliste alliée de Viktor Orban, favorable à la préférence nationale, c’est une conservatrice assumée, anti-immigration, et eurosceptique « comme Charles de Gaulle ». Malgré une offre politique bien fournie à droite, la députée romaine a su s’imposer dans les cœurs et dans les sondages au point de se placer en tête des intentions de vote : 23,7% selon les dernières estimations. Peut-elle gagner ? En Italie, rien n’est jamais certain. Elle avait affirmé dans un entretien accordé à L’Incorrect en mars 2020 que « gouverner avec le Mouvement Cinq Étoiles, est un choix inconcevable pour Fratelli d’Italia ». Sans la deuxième force politique du pays, Giorgia Meloni aura donc sans doute du mal à emporter les 201 sièges nécessaires pour gouverner, d’autant plus que la Ligue du Nord, son allié naturel, souffre de l’usure du pouvoir (elle est créditée de 15,4%) et que le parti de Silvio Berlusconi n’atteint plus que 7,6%. Convaincre le centre qu’elle fustige depuis si longtemps serait probablement nécessaire, mais rien n’est absurde dans le jeu politique italien.
Libye, Françafrique : une longue liste de griefs
Si Giorgia Meloni prend la place de Présidente du Conseil, Emmanuel Macron n’aura pas seulement perdu un allié (Mario Draghi), mais aussi gagné une ennemie. Lors d’une prise de parole en janvier 2018 à Rome, la leader de droite avait explosé de colère, après des propos de Vulcain-Jupiter qui venait de critiquer amèrement le refus de l’Italie d’accueillir des bateaux de migrants. Tout y était passé : « Les irresponsables sont ceux qui ont bombardé la Libye parce que ça les dérangeait que l’Italie ait un rapport privilégié avec Kadhafi dans le domaine de l’énergie ». Le chaos engendré à la suite de l’intervention militaire de la France sous l’égide de l’ONU avait en effet produit une forte instabilité dans la région, et avait ouvert la voie à une forte augmentation du trafic de migrants en provenance de ce territoire en guerre civile.
« La solution n’est pas de déplacer les Africains vers l’Europe, mais de libérer l’Afrique de certains Européens »
Giorgia Meloni
Mais ce n’est pas tout. Non contente d’attaquer l’offensive en Libye, Meloni embraye ce jour-là sur la Françafrique : « La France continue d’exploiter l’Afrique en imprimant la monnaie de 14 pays africains sur lesquels elle met sa signature. En faisant travailler des enfants dans les mines. Au Niger, la France extrait 30% de l’uranium qui sert à faire fonctionner les centrales nucléaires alors que 90% des Nigériens vivent sans électricité ». Et sous les applaudissements de la foule, elle avait conclu : « Ne viens pas nous faire de leçon, Macron, parce que les Africains quittent leur continent à cause de votre politique en Afrique. Et la solution n’est pas de déplacer les Africains vers l’Europe, mais de libérer l’Afrique de certains Européens ». Pour un pays qui n’a jamais vraiment eu d’empire colonial, c’est évidemment facile à dire…
Au moins, les choses sont claires : bien qu’elle considère que la France et l’Italie ont un « destin commun » dans les colonnes de L’Incorrect, Meloni a une dent contre la politique française de ces vingt dernières années. Et réveiller la rivalité séculaire des deux côtés des Alpes n’est pas exclu. Meloni garde cependant une alliée chez nous, Marion Maréchal, bien connue par le cercle de Viktor Orban, et une relation, Marine Le Pen, par le truchement de son concurrent Salvini. Des alliances futures, des soutiens seront-ils envisageables ? Pour cela, il faudra alors que Giorgia Meloni continue à caracoler dans les sondages et que, pour une fois en Italie, une coalition tienne plus que quelques mois.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !