Le lion de la MGM finit de rugir. Le sigle d’United Artists passe et s’éteint. Fondu au noir. Banc-titre, en lettres capitales, en blanc-au-noir :
THE REVOLUTION
IS NOT A SOCIAL DINNER
A LITERARY EVENT,
A DRAWING OR AN EMBROIDERY .
IT CANNOT BE DONE WITH…
ELEGANCE AND COURTESY ;
THE REVOLUTION IS AN ACT OF VIOLENCE…
Mao Tse-Tung
Puis le jet de pisse le plus célèbre de l’histoire du cinéma, dru, moussu, impétueux, frappe une souche pétrifiée où s’agitent des fourmis, qui succombent l’une après l’autre sous le flot de sodium / potassium / chlore / bicarbonates… Comme c’est un péon inculte et désœuvré qui se soulage, peu de chances que cette urine-là contienne de l’acide asparagusique.
Suivent 157 minutes de violence déchaînée. Le Mexique des années Villa / Zapata ne faisait pas dans la dentelle — ni les Allemands des fosses ardéatines, auquel il est fait allusion au passage : tout film ou roman historique raconte aussi l’histoire des temps modernes. Fin de la famille de Juan Miranda, massacrée. Fin du triolisme amoureux et libertaire de Sean Mallory, anéanti. Et fin de Mallory (« Sean-Sean-Sean »), renvoyé dans les astres par son dernier litre de nitroglycérine. Ça vaut le coup de la chaudière de locomotive de La Condition humaine : la révolution mange ses enfants, comme le Saturne de Goya.
« On voudrait une colère, mais polie, bien élevée »
Pourquoi parlé-je de ce qui fut le dernier western (et bien plus que cela) de Sergio Leone ? C’est qu’à lire et à écouter les commentaires sur les derniers événements qui ont balafré Paris, Marseille, Toulouse et le Puy-en-Velais. La Vierge noire ne s’en est pas remise, ni Macron qui est passé voir les dégâts, et qui s’est fait copieusement huer par la foule.
Cris d’effroi dans la classe politico-journalistique : protester, certes, mais cette violence ! Ces débordements ! Christophe Castaner n’a pas été le dernier à fustiger des événements que dans son inculture — comme le lui a rappelé Barbara Lefebvre — il a un peu rapidement assimilés au 6 février 1934. L’Histoire ne repasse pas les plats. La situation actuelle n’est ni 34, ni 68. Dans Libération, le philosophe Frédéric Gros note avec une grande pertinence : « On ne cesse d’entendre de la part des « responsables » politiques le même discours : « La colère est légitime, nous l’entendons ; mais rien ne peut justifier la violence. » On voudrait une colère, mais polie, bien élevée, qui remette une liste des doléances, en remerciant bien bas que le monde politique veuille bien prendre le temps de la consulter. On voudrait une colère détachée de son expression. Il faut admettre l’existence d’un certain registre de violences qui ne procède plus d’un choix ni d’un calcul, auquel il est impossible même d’appliquer le critère légitime vs. illégitime parce qu’il est l’expression pure d’une exaspération. Cette révolte-là est celle du « trop, c’est trop », du ras-le-bol. Tout gouvernement a la violence qu’il mérite. »
Castaner et la prise de la Bastille
Eh oui : la révolution (et encore, nous en sommes loin, pour le moment) n’est pas un dîner de gala. Mais j’imagine assez bien Castaner ou BFM commenter la prise de la Bastille — « violences inacceptables, un monument historique ravagé par une foule menée par des extrémistes, rassemblons-nous autour de notre roi »… Sans compter le gouverneur Launay mort sous les coups et dont la tête sanglante a été promenée dans Paris par des émeutiers incontrôlables — mais comme disait Rivarol, qui était pourtant monarchiste : « Il avait perdu la tête avant qu’on la lui coupât. »
À noter qu’on promena aussi dans les rues ce jour-là la tête de Flesselles, maire de Paris. Hidalgo devrait se méfier.
Et encore, c’étaient les violons avant le bal. Bien des têtes tombèrent dans les années qui suivirent. La révolution est violente — mais les révoltes aussi, et les simples émeutes ne restent pas en rade. Quand on inonde de mépris ceux qui…
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