La surprise des politiques et des médias devant l’émergence du mouvement des gilets jaunes prouve qu’il était nécessaire. Mais les Français aussi doivent en tirer des conclusions sur leur rapport à l’Etat.
La couleur de leurs gilets est la même que celle dont les cyclistes se servent pour assurer leur visibilité la nuit : jaune. Cette couleur ne doit rien au hasard. Comme si elle avait été choisie pour conjurer précisément l’invisibilité de cette France des classes moyennes qui ne passe jamais au journal de 20 H, indétectable aux radars médiatiques, et que nos fins limiers des combines politiciennes éprouvent toutes les peines du monde à identifier.
Paris s’éveille…
Dans le pays centralisé qui est le nôtre, les pouvoirs politiques et médiatiques se concentrent à Paris. Il est difficile de franchir le « périph’ ». Certes, une petite excursion en banlieue proche ne coûte pas grand-chose, et permet au besoin de découvrir, pour des journalistes biberonnés au politiquement correct, des évidences que les classes moyennes ont assimilées depuis fort longtemps – par exemple les difficultés de l’intégration.
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En revanche, il est plus difficile pour un médiacrate, drogué aux projeteurs des plateaux télé, de se faire une idée de la déréliction des Français qui vivent dans les villes de moins de cinq mille habitants, aux commerces fermés, percluses d’un chômage incompressible et qui estiment passer à côté des bienfaits de la mondialisation enchantée. C’est cette France qui essaye, des gilets jaunes sur le dos, de se rappeler au bon souvenir des décideurs et de leurs courroies de transmission médiatique.
La France à l’horizontale
Un des enseignements les plus significatifs du mouvement des gilets jaunes est son émergence en dehors des circuits des corps intermédiaires traditionnels : partis politiques et syndicats. Les réseaux sociaux, en favorisant une mobilisation « horizontale » qui court-circuite les institutions, ont permis à ce mouvement de s’adresser directement à l’exécutif. C’est ainsi qu’au tout début de la révolte, à la selfie-vidéo de Jacline, passionnaria de la première heure, une sous-secrétaire d’Etat a répliqué par le truchement du même canal médiatique !
Il n’y a aucun complot du gouvernement contre la voiture !
Je réponds à Jacline Mouraud et au coup de gueule de certains automobilistes en vidéo : pic.twitter.com/sAkCFWgerY— Emmanuelle Wargon (@EmmWargon) 4 novembre 2018
Au-delà de la sympathie que suscite cette démocratie directe, les observateurs de la vie publique ont raison de souligner l’extrême défiance que le succès de ce mouvement met en lumière : défiance envers les syndicats, les partis politiques, mais aussi envers la représentativité de nos élus. Par exemple, il est certain que le très faible nombre d’ouvriers au Parlement est un point qu’il serait téméraire de traiter par-dessus la jambe. Le discrédit dans lequel sont tombés les syndicats est tout aussi inquiétant. Le fait qu’ils n’aient rien vu venir de cette révolte en dit long sur leur déconnexion d’une partie de la France.
Dépenser moins pour gagner plus
Cependant, gardons-nous des simplifications hâtives. Si les gilets jaunes ont raison de dénoncer la hausse continue des taxes (même s’il existe d’autres motifs à leur fronde), celles-ci ne tombent pas du ciel sans raison. Leur cause a un nom : la corpulence de l’Etat. Notre pays a la fâcheuse habitude de trop attendre de ce dernier. Et quand je parle de pays, je parle des Français, et pas seulement de cette entité transcendante nommée France. C’est nous tous qui sommes les complices de cette avalanche ininterrompue de taxes. Si les Français désirent que leurs responsables politiques réduisent celles-ci, il va bien falloir s’attaquer aux dépenses publiques. Et sur ce sujet, il n’est pas écrit que l’unanimité se fasse sur les solutions à apporter.
Le mouvement des gilets jaunes est certainement prometteur. Mais en posant son diagnostic, il ne fait que la moitié du chemin qu’il nous reste à parcourir afin de desserrer l’étau fiscal.
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