L’idée d’un référendum d’initiative citoyenne, et d’une démocratie rénovée par la participation, est quasi unanimement saluée comme une issue à la crise des gilets jaunes. Mais plutôt que de céder à l’illusion citoyenne, le président devrait prendre le tournant populiste qu’il a esquissé le 10 décembre. Saura-t-il rompre avec le fanatisme progressiste des classes dirigeantes pour réintégrer tous ceux qui n’ont pas voté pour lui ?
Rendre le gouvernement au peuple : qui pourrait s’opposer à une si belle ambition ? Après des semaines d’un affrontement houleux, mouvant et souvent violent, entre un pouvoir désemparé et des « gilets jaunes » très remontés, le miracle a eu lieu. Alors que, jusqu’au début de décembre, le mouvement sommait l’exécutif de satisfaire des revendications sur lesquelles il était incapable de s’accorder et communiait dans le refus de propositions qu’il refusait d’écouter, du haut en bas de l’échelle sociale, des palais de la République aux bistrots, sans oublier les salles de rédaction, on s’est passionné pour le nouveau hochet politique appelé RIC (référendum d’initiative citoyenne, comme nul ne peut plus l’ignorer) et, plus généralement, pour tout ce qui pourrait édifier une démocratie rénovée par l’activisme citoyen. En vérité, ces éléments de langage du mélenchonisme sont arrivés au moment où, comme l’a bien observé Zemmour, « les gilets jaunes se sont fait piquer leur mouvement par La France insoumise ».
La République des copropriétaires
L’enthousiasme pour une tendance qui a l’avantage de réconcilier le populo avec la modernité n’est guère surprenant. Quoi de plus moderne, en effet, qu’une démocratie horizontale calquée sur le fonctionnement des réseaux sociaux et satisfaisant le narcissisme égalitaire de Français tous plus ou moins faciles à convaincre que, s’ils étaient au pouvoir, ils feraient mieux ? L’autre promesse sortie du chapeau présidentiel pour calmer la grogne de nos belles provinces, l’organisation d’un grand débat national réactivant les cahiers de doléances autrefois adressés au roi, s’inscrit dans la même veine participative et citoyenne que chacun feint soudain de révérer, la parole du peuple étant aujourd’hui aussi sanctifiée qu’elle était hier méprisée. De sorte que personne n’a osé dire tout haut ce qu’il pensait tout bas, à savoir que ce grand happening sous houlette municipale avait toutes les chances de dériver au fil des semaines en festival des intérêts particuliers où chacun défendra sa grande cause ou son bout de gras, voire en réunion de copropriétaires où ce sont souvent les pires enquiquineurs qui prennent le pouvoir. Quand on voit à quel point il est difficile d’organiser, sur un plateau de télévision, une discussion sereine entre six personnes, on peut craindre que le grand débat national permette surtout de discréditer la colère, pourtant légitime, de nombreux Français qui voient que, depuis des années, on gouverne non seulement sans eux, mais souvent contre eux. Et voilà qu’on prétend maintenant les consulter à tout bout de champ. Il y a un loup.
Le RIC, une entourloupe
On dira que nous ne sommes jamais contents. Depuis des années, nous enrageons que les médias et les gouvernants n’écoutent pas les demandes et les inquiétudes de
