Mélenchon a raison. Ils aiment quand il y a de la castagne, quand les choses tournent mal, quand les mouvements « se radicalisent » (le meilleur moyen de faire qu’un mouvement se radicalise étant de dire qu’il se radicalise).
Et Mélenchon a raison: « Vous les médias, vous rendez tout impossible » (émission spéciale gilets jaunes sur France 2, le 2 décembre).
« En avons-nous fait trop? »
Ils commencent à se poser cette rituelle question (je l’ai entendue sur plusieurs chaînes de radio et au détour de quelques interviews télé), totalement ridicule, qui permet de démultiplier l’événement : on parle de l’événement, puis on parle de la manière dont on a parlé de l’événement.
En outre, « en avons-nous fait trop? » est une question pleine de fausse modestie : avons-nous trop bien fait notre travail?
Elle permet aussi d’éluder le problème de l’orientation du traitement en réduisant le retour critique à une approche quantitative: en avons-nous trop parlé?
A lire aussi: Gilets jaunes: la nouvelle stratégie des médias pour les discréditer
En réalité, la question ne se pose même pas. Comparé au nombre de ses participants, le traitement médiatique de ce mouvement social est, il faut bien le dire, totalement disproportionné. Nous sommes en « édition spéciale » permanente depuis deux semaines!
Et j’ai entendu, sur France Info, une journaliste poser très sérieusement et avec insistance, la question : « ne sommes-nous pas face à un mouvement du type de ce qu’on a pu vivre en 1789? » Évidemment, l’interro-négation oriente la réponse vers le positif, c’est rhétorique.
Le traitement invasif du mouvement des « gilets jaunes » n’est pas synonyme de complaisance. Au contraire, on en a d’autant plus parlé qu’on a voulu appuyer sur ce qui faisait mal : violences, désorganisation, beaufitude crasse, revendications politiques extravagantes, etc.
« Récupération »
Oui, les médias ont joué avec le feu. Quand on part du principe que le fonctionnement même de la représentation parlementaire équivaut à une récupération, on rend impossible la démocratie.
Or, à chaque fois qu’un élu a fait mine de comprendre les inquiétudes et les colères des « gilets jaunes », ou seulement de leur trouver une légitimité, les journalistes se sont tournés vers le « gilet jaune » du plateau en lui demandant s’il ne « craignait pas la récupération ».
La dimension politique du mouvement, son « antiparlementarisme », est une construction médiatique.
La fonction d’un élu est d’entendre et de porter la voix de ceux qu’il représente: si l’on appelle cela de la récupération alors, comme dit un de mes amis, même pas pour rire, « mieux vaudrait faire appel au roi ».
« Le gouvernement recule »
Un gouvernement qui refuse d’entendre les mécontentements de la population est un gouvernement qui « refuse tout recul ».
Et un gouvernement qui les entend et tente d’y répondre est un gouvernement qui « recule ».
Là encore, pas de solution. La présentation médiatique est nécessairement négative.
« L’exécutif plie face à la pression de la rue » peut-on encore lire dans cet article. C’est tellement plus dépréciatif que « le gouvernement tente d’apporter des réponses aux exigences des gilets jaunes ». La démocratie repose sur des rapports de forces; mais entretenir en permanence une lecture conflictuelle de ceux-ci nourrit des tensions qui stimulent le rejet du modèle démocratique. Les journalistes devraient…
>>> Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux <<<
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !